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MADRES PARALELAS

Un film de Pedro Almodóvar.

 

 

« We should all be feminists » : cette citation de l’écrivaine nigériane Chimamanda Ngozi Adichie, Janis (Penelope Cruz) l’arbore, lors d’une des scènes du film, sur son T-shirt. Et c’est vrai que, dans ce nouveau film, Pedro Almodóvar, fidèle à ses convictions, a concocté une histoire qui donne la part belle aux femmes. Après tant d’autres portraits de femmes, déclinés dans des films comme Tout sur ma mère (1999), Parle avec elle (2002), Volver (2006) ou Julieta (2016), le cinéaste espagnol parvient encore à renouveler son regard en l’orientant sur la question de l’amour maternel et des doutes sur l’identité de l’enfant.

Les premières scènes du film, remarquables dans leur conception et dans leur concision, sont d’un cinéaste qui, s’il n’a plus depuis longtemps à faire ses preuves, réussit toujours à fasciner par la finesse de sa mise en scène. Nous y découvrons, pour commencer, Janis exerçant son métier de photographe pour un magazine. Puis, dans la scène suivante, est introduit un thème secondaire du film, secondaire certes mais obstiné, entêtant et pertinent : Janis discute avec Arturo (Israel Elejalde), l’homme qu’elle prenait auparavant en photo, de son projet d’explorer une fosse commune attenante à son village d’origine, fosse dans laquelle sont enfouis les restes des villageois massacrés par les phalangistes pendant la guerre d’Espagne, cela malgré l’immobilisme des plus hautes autorités du pays, désireuses d’oblitérer ce passé. Enfin, à une fenêtre, la vision d’un rideau blanc chahuté par le vent  encadre une scène de rapport charnel entre Janis et Arturo.

Saut dans le temps : voici à nouveau Janis, mais à l’hôpital et sur le point d’accoucher. Dans sa chambre, elle fait connaissance avec Ana (Milena Smit), elle aussi prête à accoucher mais beaucoup plus jeune qu’elle : si la première a la quarantaine, la deuxième est à peine au sortir de l’adolescence. Angoissée, Ana trouve en Janis une compagne rassurante au point que se noue un lien qu’elles veulent faire perdurer en échangeant leurs numéros de téléphone. Entre l’aînée et la cadette, les rapports ne font que commencer, en effet, et ils les conduiront sur des chemins qu’elles étaient loin d’imaginer au départ.

Quelque temps après l’accouchement, un doute survient dans l’esprit de Janis, un doute qui grandit, un doute au sujet de sa fille et de son identité. Ce n’est pas divulgâcher grand-chose que d’expliciter qu’il est question d’un quiproquo déjà exploré par d’autres cinéastes, celui d’une erreur d’attribution de deux enfants, à l’hôpital. A partir de là, du questionnement de Janis, de ses recherches, de sa découverte de la vérité et de son silence (car elle ne se résout pas, pendant une assez longue période, à en parler à qui de droit), c’est l’évolution du lien entre les deux femmes, les deux mamans célibataires, que le cinéaste se plaît à observer. Il est intéressant, en effet, de scruter les changements qui s’opèrent en chacune d’elles et comment s’inverse les relations de domination et de soumission. On peut faire confiance à Almodóvar : sur ce terrain, on a affaire à un maître, même si l’on peut estimer qu’il ne parvient pas à éviter quelques longueurs.

On ne classera sans doute pas ce film parmi les meilleurs de ce réalisateur, mais on restera impressionné par les jeux tout en subtilité des deux actrices principales ainsi que par l’habileté avec laquelle Almodóvar arrive à mettre en résonance des questions de vie et de mort, que ce soit du côté des deux mamans comme de celui de la recherche opiniâtre des massacrés de la guerre d’Espagne et de la nécessité de les honorer et d’en faire mémoire.

8/10

 

                                                                                                   Luc Schweitzer, ss.cc.

Tag(s) : #Films
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