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DES FEUX DANS LA NUIT

Un film de Dominique Lienhard.

 

 

Quand des communautés humaines en sont réduites à devoir survivre dans des conditions de misère extrême, quels que soient le continent, le pays, la culture, les comportements et les tentations sont à peu près les mêmes. De ce fait, il n’y a rien d’incongru dans la transposition de l’intrigue de ce film, adapté d’une nouvelle de l’écrivain japonais Akira Yoshimura, dans le contexte d’une petite île d’Europe à la fin du XVIIème siècle.

Au cœur de l’histoire, il y a un jeune garçon, un adolescent de quinze ans, prénommé Alan (Igor Van Dessel) : ce sont ses yeux, c’est son regard, qui sont privilégiés tout au long du film. Avec lui, vivent ou survivent ses parents Mia (Ana Girardot) et Mirko (Jérémie Elkaïm) ainsi que son petit frère et sa petite sœur. D’emblée, le dénuement dans lequel est plongée cette famille de pécheurs provoque l’émotion. Or, bientôt, du fait même de l’indigence qui frappe les siens, le père se voit contraint de se vendre à un patron pour une durée de deux ans, en échange de quelques sacs de blé qu’il laisse à sa famille.

Le père parti, Alan se sent comme investi de la mission de venir en aide à sa mère, à son frère et à sa sœur. Trouver de la nourriture en péchant avec un filet s’avère souvent décevant. Plus d’une fois, le garçon revient bredouille. Mais ce qu’il est amené à découvrir, ce sont les réalités les plus âpres, les plus dures, les plus impitoyables de ses compagnons d’infortune. Dans le village, hommes et femmes, guidés par un chef, ne peuvent se permettre la moindre sensiblerie. Même l’hypothèse de tuer un enfant à sa naissance est posée, pour ne pas avoir une bouche de plus à nourrir. Quant aux occupants des bateaux qu’on a attirés vers les rochers pour qu’ils s’y échouent, il n’est pas envisageable d’en laisser un seul en vie.

Quand les humains sont acculés à la misère, que reste-t-il de leur humanité ? La question se pose de manière aiguë dans les rapports d’Alan avec sa mère. Si celle-ci semble ne pas avoir totalement perdu l’espoir (on la voit invoquer on ne sait quel dieu, ce qui provoque l’irritation d’Alan pour qui les prières ne servent à rien), elle n’en est pas moins comme partagée entre la nécessité de transmettre à son fils les vertus de l’endurcissement et les forts élans maternels d’une femme réputée pour ses dons de guérisseuse. Alan grandit dans l’attente du retour du père, apprenant à s’endurcir autant qu’il est possible face aux rudesses de la vie, aux épreuves qui s’abattent, comme, par exemple, la maladie, tout en naissant aussi, même dans ce contexte, à la beauté d’un premier amour avec Selma (Louna Espinosa), une jeune fille du village.

Épuré dans sa réalisation, manquant peut-être d’un rythme plus soutenu, le film tire bien parti des décors, de la mer, des montagnes, des masures, des bateaux, autant que de l’impression de justesse et d’authenticité qui se dégage de l’ensemble des actrices et acteurs. Si le film est dur (avec quelques moments de tendresse, tout de même), il n’en est pas moins saisissant, et par la véracité qui s’en dégage, et par le cheminement on ne peut plus touchant du jeune Alan. 

7,5/10

 

                                                                                     Luc Schweitzer, ss.cc.

Tag(s) : #Films, #Drame
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