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O CORNO : UNE HISTOIRE DE FEMMES

Un film de Jaione Camborda.

 

 

Une scène, qui se situe à peu près au milieu du film, montre une femme coupée en deux, la tête d’un côté, les pieds de l’autre. Rassurons-nous, il s’agit d’un tour de magicien, exécuté à l’occasion d’une fête de village : l’illusionniste enferme une jeune volontaire dans une boîte qu’il scinde ensuite en deux parties, donnant ainsi l’impression que son corps est coupé par le milieu. Ce n’est qu’un tour de passe-passe mais, symboliquement, cette scène illustre le propos d’un film qui se veut un film de femmes. Le titre français le dit : réalisé par une femme, l’espagnole Jaione Camborda (c’est son deuxième long-métrage), c’est un film sur les femmes et, tout particulièrement, sur le corps des femmes, sur ce que leurs corps doivent endurer.

Il s’agit aussi d’un film clairement situé, géographiquement et temporellement. L’action se situe en 1971, dans l’Espagne franquiste, d’abord dans une ville côtière de Galice puis à la frontière hispano-portugaise, d’un côté puis de l’autre. Pourquoi ce déplacement ? Un déplacement qui, en vérité, est une fuite. Le personnage principal en est Maria (Janet Novás) qui, au Portugal, adopte un autre prénom, celui de Catarina. Au début, nous la découvrons au cours d’une longue scène d’accouchement, un accouchement douloureux, difficile, dont la réalisatrice, même si elle filme surtout les visages, n’élude rien. La scène est impressionnante. Maria assiste la parturiente, jusqu’à la naissance de l’enfant, prodiguant ensuite ses conseils et ses soins.

On apprend bientôt que Maria, qui sait si bien s’occuper des bébés des autres, n’a, elle-même, pas d’enfant. La vérité, c’est qu’elle a été enceinte mais a choisi d’avorter. On découvre, lors de deux scènes, son ventre barré par une grande cicatrice, comme si elle avait été, réellement quant à elle, scindée en deux parties. Maria ne s’est pas seulement avortée elle-même mais elle pratique, pour d’autres femmes, des avortements clandestins. Elle est celle qui aide à accoucher comme elle est celle qui aide à avorter. Mais à avorter dans des conditions et par des moyens qui peuvent s’avérer périlleux.

Sans vouloir trop en dire sur les événements rapportés dans le film, disons que, si Maria doit fuir pour trouver refuge au Portugal, c’est à cause d’un avortement qui a mal tourné. Si Maria est le personnage-pivot du film, celui-ci abonde en personnages féminins de tous âges. Il s’agit bien d’une histoire de femmes, au pluriel. Dans sa fuite, Maria est quelquefois aidée par des hommes (aidée mais à condition de payer, il faut le préciser), mais ce sont des femmes qui ont les rôles importants : une tenancière de bar, une adolescente ayant un handicap, une femme noire qui, pour vivre, est contrainte de se prostituer, etc. Ce sont les personnages féminins qui intéressent la réalisatrice, à juste titre, non les personnages masculins.

Tourné en galicien, la langue locale, et non en espagnol, ce film remarquable se situe, le plus souvent, au plus près des corps des femmes, d’où une abondance de gros plans. Ce choix s’avère judicieux, puisqu’il correspond exactement au propos du film. La présence physique de l’actrice principale, Janet Novás, une danseuse professionnelle, et des autres actrices, marque le film de manière saisissante.   

8/10

 

                                                                                     Luc Schweitzer

Tag(s) : #Films, #Drame
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