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LE DAIM

Un film de Quentin Dupieux.

 

 

On peut ou non apprécier sa filmographie, mais il faut reconnaître à Quentin Dupieux les aptitudes d’un véritable auteur. De film en film, le cinéaste confirme un style qui lui est très personnel et un univers tout à fait singulier. Ses comédies loufoques qui s’apparentent toutes à des cauchemars auraient probablement enthousiasmé les surréalistes. Elles se contentent de peu de personnages, ressemblent aux séries B du cinéma de jadis et déclinent jusqu’à l’absurde le plus délirant des ingrédients de scénario minimalistes. Néanmoins, cela fonctionne toujours à merveille au point qu’en tant que spectateur on peut volontiers éprouver une sorte de plaisir presque coupable à se laisser prendre à des fables qui confinent à ce que les Britanniques désignent par le mot « nonsense ».

Dans « Le Daim », il n’est question que de l’hallucinante folie d’un personnage prénommé Georges (campé par Jean Dujardin) : un homme paumé, solitaire, qui, ayant acheté un blouson en daim, se retrouve sans ressources autres qu’une alliance qu’il laisse en gage dans un hôtel isolé au milieu d’un paysage de montagne. Or la grande originalité du film, c’est d’avoir conçu le blouson comme un personnage à part entière dont l’influence pernicieuse exacerbe les pulsions maladives de Georges. Le fameux vêtement devient donc le symbole de l’omnipotence. Il s’impose comme un être ne supportant pas de concurrence, tant et si bien que Georges se sent investi d’une mission de destruction : tout porteur de blouson est en danger d’être éliminé afin qu’il ne reste plus qu’un habit de cette sorte, celui qu’il a acquis, le blouson de daim !

À cela s’ajoute la prétention de Georges qui s’affirme comme étant un cinéaste filmant ses sanglants exploits avec une petite caméra numérique. La serveuse d’un bar (Adèle Haenel) à qui l’homme se présente de cette manière n’hésite pas à sauter sur l’occasion, se targuant d’être monteuse et se faisant la complice joyeuse du soi-disant cinéaste jusqu’à se laisser dépouiller par lui. Enfin, pendant qu’il commet ses exactions, à quelques reprises, apparaît un étrange observateur en la personne d’un jeune garçon qui reste muet. Tous les ingrédients et tous les personnages sont à présent convoqués pour le déroulement d’une histoire qui pourrait presque avoir pour titre « La Métamorphose ». Certes Georges, physiquement, ne change pas d’aspect, mais en se revêtant du haut en bas de peaux de daim, il se transforme bel et bien en une créature qui tient davantage de l’animal que de l’humain. Le film ne durant qu’un peu plus d’une heure un quart, on n’a pas le temps de s’ennuyer, mais on a largement celui d’être à la fois captivé et questionné, voire dérangé. 

7,5/10

 

                                                                       Luc Schweitzer, ss.cc.

Tag(s) : #Films
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