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VERS LA BATAILLE

Un film de Aurélien Vernhes-Lemusiaux.

 

Que ceux qui reprochent volontiers au cinéma français de manquer d’ambition prennent le temps d’aller voir ce film-là. Qu’il leur plaise ou non, ils ne pourront pas formuler à son encontre leur critique habituelle. En effet, pour son premier long-métrage, Aurélien Vernhes-Lemusiaux ne lésine pas sur son dessein : il nous emmène loin de chez nous, jusqu’au Mexique, et situe l’action de son film au début des années 1860. Le sait-on? À cette époque-là, celle du Second Empire, l’armée française se distingue tristement en menant là-bas une guerre coloniale qui s’enlise. Or, un certain Louis (Malik Zidi), muni d’un laisser-passer qu’il a réussi à obtenir d’un officier français, entreprend de rejoindre les lieux où se livrent les batailles afin de prendre des photos. Photographe de renom, en effet, il se fait fort d’être présent sur le terrain afin de fixer pour toujours les scènes qui s’y déroulent. En somme, on peut voir en lui un des tout premiers reporters de guerre de l’histoire.

Néanmoins, faire ce métier-là en 1860, c’est une incroyable gageure. Il faut transporter un matériel très encombrant au moyen de deux chevaux et crapahuter au milieu d’une végétation luxuriante, sur un terrain accidenté. Dans ces contrées-là, les paysages sont comme un dédale au milieu duquel il est difficile de se repérer. Il peut même s’y trouver de redoutables pièges, comme une fosse destinée à la capture des animaux mais dans laquelle, si l’on n’y prend garde, on peut soi-même faire une chute. Une bonne moitié du film se déroule donc sur ce registre, celui de la survie dans un milieu hostile. Le réalisateur filme ces scènes-là comme si elles étaient le produit d’un long cauchemar. Il y a même, durant la nuit, d’étranges yeux rouges qui brillent, mais dont on ne sait pas à qui ils appartiennent.

Pour ne pas sombrer dans la folie, Louis, dès qu’il peut, écrit à sa femme restée en France. Mais bientôt, aussi, il fait la rencontre d’un homme, un Mexicain prénommé Pinto (Leynar Gomez) qui l’aide à se tirer d’affaire. Malgré la barrière de la langue, entre ces deux hommes, un lien non seulement se crée mais évolue au fil des épreuves. Officiellement, Louis se décide à présenter Pinto comme son assistant. En vérité, alors que la guerre apporte son lot de division et de haine, c’est une sorte d’amitié qui se noue entre eux. Louis se révèle comme un beau personnage, un homme de conviction et de droiture. Lorsque, en fin de compte, il parvient à rejoindre un contingent de soldats français, c’est pour découvrir qu’un autre photographe est déjà sur place, occupé à photographier une fausse scène de champ de bataille, entièrement simulée par des soldats qui feignent d’être morts. Pour Louis, une telle pratique est irrecevable, il ne peut être question de fixer des simulacres sur son appareil. On ne joue pas à la guerre. Mais comment prendre des photos quand on a affaire à de véritables agonisants, lorsque la guerre et ses conséquences terribles se montrent dans toute leur hideur ? Quant à Pinto, il est clairement présenté comme un homme ayant la foi. Un plan superbe nous le montre, la nuit, en train de prier au milieu d'un tourbillon de lucioles.

Sans chercher à rivaliser avec des films célèbres qui abordent des sujets semblables (de Werner Herzog ou James Gray), le long-métrage de Aurélien Vernhes-Lemusiaux n’en demeure pas moins impressionnant. Quant à l’histoire d’amitié entre un Français et un Mexicain qu’il met en évidence, c’est peu de dire qu’elle est la bienvenue. Elle en est le splendide point d’orgue. Celui qui cherchait des batailles a trouvé, sans le vouloir, un vrai trésor, il a trouvé l'amitié.

7,5/10

 

                                                                                     Luc Schweitzer, ss.cc.

Tag(s) : #Films, #Aventures, #Drame
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