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DES HOMMES

Un film de Lucas Belvaux.

 

Ceux qui ont été appelés à servir la France, comme on dit, de l’autre côté de la Méditerranée, en Algérie, à l’époque où se déroulaient ce qu’on nommait « les événements », ceux-là en sont restés meurtris et comme pollués à jamais. Et comment parler de la sale guerre, puisque ce sont les termes qui conviennent, à ses proches, à sa famille, aux autres, à ceux qui n’ont pas vécu ça ? Certes, comme dit Bernard (surnommé Feu-de-Bois), le personnage joué par Gérard Depardieu, on peut raconter les tours de garde, l’ennui, les corvées, ce genre de choses. Mais les atrocités, commises de part et d’autre, comment les nommer ? Il n’y a pas de mots pour ça. Et, d’ailleurs, qui veut en entendre parler ?

Adapté d’un roman de Laurent Mauvignier, le film de Lucas Belvaux essaie pourtant de traduire en images et en mots, au moyen d’abondantes citations très littéraires prononcés en voix off, à la fois les événements eux-mêmes, ceux de la guerre, et les blessures restées vives bien des années plus tard. Il suffit de pas grand-chose, en l’occurrence un anniversaire, celui de Solange (Catherine Frot) pour que ressurgissent justement les rancœurs et les haines. C’est dans ce contexte que s’ouvre le film, au moyen de scènes qui, malheureusement, restent trop formelles, mettant en opposition Feu-de-Bois, joué par un Gérard Depardieu excessif, représentant celui qui se comporte en écorché vif, et Rabut (Jean-Pierre Darroussin), représentant celui qui s’est efforcé de « faire avec », tâchant de construire sa vie en dépit du souvenir des horreurs passées. Le premier en fait des tonnes dans son rôle de personnage aigri et rongé par le racisme, tandis que le deuxième semble presque trop en retrait.

Heureusement, après une série d’allers et retours temporels entre le temps présent et le temps où tous deux étaient des jeunes hommes en uniforme envoyés « pacifier » l’Algérie, le film se focalise, précisément, sur les faits s’étant déroulés pendant la guerre. Les deux jeunes acteurs qui prennent le relai (Yoann Zimmer et Édouard Sulpice) paraissent plus convaincants que leurs deux illustres aînés. C’est alors qu’on ressent intensément les meurtrissures causées par la guerre, avec tout ce qu’elle comporte d’exactions et de barbarie. Et l’on comprend que ce sont les vies entières de ceux qui ont fait ça (l’un des deux va jusqu’à comparer certains faits avec ceux qui ont été perpétrés à Oradour-sur-Glane) qui en sont marquées à jamais.

7/10

 

                                                                                     Luc Schweitzer, ss.cc.

Tag(s) : #Films, #Drame, #Guerre
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