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ALBATROS

Un film de Xavier Beauvois.

 

 

En plein milieu de ce film figure un moment-clé, qui précisément ne dure pas longtemps mais le scinde en deux parties distinctes. L’événement en question, celui qui fait basculer le film, il vaudrait mieux n’en rien savoir lorsqu’on va le voir, mais, malheureusement, le synopsis tout comme la bande-annonce le révèlent. Quoi qu’il en soit, dans sa première partie, apparemment la plus anodine mais, en fin de compte, la plus achevée du point de vue de sa réalisation, Xavier Beauvois entreprend de décrire le quotidien de la brigade de gendarmerie d’Etretat. J’allais écrire « le quotidien le plus banal », mais peut-être pas, en tout cas il faut l’espérer, puisqu’il est question, entre autres, du suicide d’un individu se jetant du haut d’une falaise et, également, d’un enfant abusé sexuellement par son propre père. C’est d’ailleurs sur cet arrière-fond de misère sociale et humaine que se fonde l’essentiel de cette première partie du film. On y découvre aussi un agriculteur en grande difficulté dont on comprend aussitôt qu’il sera un des personnages-pivots du film (et c’est le cas). Tout en s’attachant à dépeindre ce fond de précarité en milieu rural, le cinéaste s’emploie à évoquer au mieux le personnage du commandant de la brigade, Laurent, joué par le toujours excellent Jérémie Rénier, que ce soit dans la sphère professionnelle ou dans la sphère privée. Une jolie scène nous le montre demandant en mariage Marie (Marie-Julie Maille), sa compagne depuis dix ans, sous les yeux ravis de leur fille. Une autre scène, au cours de laquelle Laurent ramène à la maison une maquette de bateau, nous fait percevoir la passion de ce dernier pour la navigation et combien il aimerait, un jour, partir pour un voyage en solitaire au long cours.

La subtilité qui présidait à la première partie du film se dilue quelque peu dans la deuxième partie, malheureusement. Dès que le film bascule lors d’un moment de regrettable tragédie, quelque chose se perd. Non pas que le récit devienne inintéressant, mais, dès le moment où l’on s’éloigne de la terre ferme, c’est comme si le réalisateur éprouvait le besoin de surligner, en quelque sorte, son propos. Et il s’y prend presque maladroitement, par exemple dans ses choix musicaux. Faire entendre le Stabat Mater de Pergolèse quand le navigateur est aux prises avec les éléments déchaînés tout comme avec ses tourments intérieurs, puis, pour finir, l’In Paradisum du Requiem de Fauré lorsque, apaisé, il revient au port pour y trouver sa bien-aimée l’attendant sur le quai en robe blanche, c’est de la boursouflure, on ne peut pas dire autrement. Cela dit, compte tenu de ces gaucheries, on a quand même affaire à un film de qualité, qui mérite le déplacement.  

7/10

 

                                                                                     Luc Schweitzer, ss.cc.

Tag(s) : #Films, #Drame
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