Un album de chansons de Michel Bühler.
« Helvétiquement vôtre », chantait Michel Bühler sur son premier album (sorti en 1969), mettant ainsi l’accent sur son pays, la Suisse, non sans se moquer des « images d’Epinal », non sans se priver d’en dénoncer l’« arrogance ». Aujourd’hui, dans ce nouvel album, s’il n’est plus question, de manière directe, de ce pays, ceux qui connaissent ce chanteur ne seront pas pour autant dépaysés. On y retrouve, en effet, les sujets, les thématiques, que Michel Bühler n’a cessé d’explorer depuis une cinquantaine d’années, d’album en album et de chanson en chanson. Et s’il a fait savoir que, désormais, il ne se produirait plus sur scène, le chanteur n’en a pas moins gardé intactes et sa ferveur et ses révoltes.
Ce que c’est que chanter pour lui, il l’exprime d’ailleurs très bien sur le dernier titre de l’album, qui s’intitule précisément Chanter : « Chanter c’est vivre un peu plus / C’est respirer à plein ciel bleu / C’est espérer que jamais plus / Un enfant n’sera malheureux. » Chez Bühler, on retrouve fréquemment l’amour de la nature associée à un cri de révolte contre ceux qui, ne pensant qu’à leurs profits, détruisent tout sans vergogne.
Sur ce nouvel album, aux mélodies simples, aux airs tantôt méditatifs tantôt rythmés, voire dansants, apparaissent néanmoins quelques aspects inédits, tout simplement parce que Bühler a tenu compte de l’actualité, en particulier de la pandémie de coronavirus et de ses conséquences. La première chanson, Chanson de l’attente, parle de la tristesse du confinement et d’un printemps gâché : « Et chacun des baisers / Qu’on n’a pas pu donner / Est perdu à jamais. » Plus acerbe, la chanson Un tout p’tit virus nous parle de la panique causée par la COVID, obligeant les pays à fermer leurs frontières. Mais le chanteur est sans illusion : il suffit que tout revienne à la normale pour qu’on se remette « A polluer joyeusement / A massacrer à bétonner / A piller brûler comme avant. »
Des chansons revendicatives, il y en a d’autres sur cet album. A commencer par Pour se payer des yachts qui dénonce, comme d’autres chansons des précédents albums, les « gros » et les « forts », ceux qui, pour gagner toujours plus, ne se font pas scrupule de jeter « sur des routes étrangères / Rongées par la misère / Des peuplades entières. » Dans Ils étaient huit Polonais, ce sont ceux qui exploitent éhontément des travailleurs sans se soucier de les payer qui sont, à juste titre, montrés du doigt. Dans Sapiens, Michel Bühler en vient même à souhaiter de quitter la race humaine tant elle lui paraît affligeante : « Pour un Villon pour un Mozart / Pour un Van Gogh en désespoir / Combien de salauds dans l’histoire », se demande-t-il. Et dans Rouge enfin où, d’une manière plus générale, le chanteur évoque la couleur de toutes les révoltes.
D’autres chansons semblent empreintes d’un soupçon de nostalgie. Dans Papillon de nuit, Bûhler évoque ses vingt ans, son départ de la Suisse pour Paris où il zona « de bar en bar » et trouva cependant un bel amour, mais de passage. Dans une autre chanson, il raconte joliment un séjour à Jérusalem (Je me souviens, Jérusalem), la ville « où l’on parle mille langages » et où se font entendre « chants et prières » qui montent « vers tous les mystères ». Le mystère, on le retrouve aussi dans Chanson pour Kim, un ami qui est parti « pour le grand mystère », ce qui n’empêche pas, bien au contraire, le chanteur de trinquer à l’amitié. Et finissons ce tour d’horizon par Vieux sentiers, une chanson qui dit l’amour de la nature, son calme, sa paix, si récurrent chez Bühler, amour qui n’a d’ailleurs rien d’égoïste, le chanteur souhaitant que tous puissent en bénéficier : « … j’espère / Qu’un jour il sera donné / Aux humains de toutes terres / Enfin le droit de vivre en paix. »
8/10
Luc Schweitzer, ss.cc.
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Chanson de l'attente (Et du confinement)
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