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WEST SIDE STORY

Un film de Steven Spielberg.

 

 

Enfin ! Il lui en a fallu du temps, tant et tant de titres ajoutés à sa filmographie, pour enfin se décider à réaliser un film musical. Et quel film ! Plutôt que de proposer de l’inédit, Spielberg préfère revisiter un classique parmi les classiques de ce genre-là. Bien sûr, le cinéaste n’a jamais eu la prétention de rivaliser avec l’original, le film de Robert Wise et Jerome Robbins de 1962, mais de mettre en scène une relecture, un regard renouvelé et peut-être plus adapté à notre époque. Quoi qu’il en soit, le résultat s’avère enthousiasmant et, s’il n’efface pas l’ancienne version, il suscite la même ferveur et le même élan. Spielberg signe là un grand film, un de ses meilleurs assurément !

Tout en restant fidèle, bien évidemment, aux sublimes compositions de Léonard Bernstein, David Newman et Stephen Sondheim, le cinéaste accentue l’aspect le plus sombre du récit, sans cependant sacrifier l’autre aspect, lumineux comme un grand amour. En fait, Spielberg parvient à créer un bel équilibre entre ces deux facettes du scénario. D’emblée, néanmoins, plutôt que d’introduire une grande palette de couleurs, le cinéaste met en évidence le gris. Et il le fait au moyen d’un long plan-séquence, formidablement maîtrisé, comme seuls les grands cinéastes en sont capables. La caméra survole, en quelque sorte, un champ de ruines, s’attarde un instant sur un panneau indiquant le projet d’un quartier entièrement nouveau, puis se focalise sur d’inquiétantes boules de démolition avant de descendre vers le sol qui s’ouvre en deux pour laisser jaillir un des membres du gang des Jets. C’est, en effet, dans ce quartier en démolition ou à ses abords que s’affrontent des laissés-pour-compte de la société américaine : d’un côté des blancs, les Jets, eux-mêmes issus de quelques vagues d’immigration (il est question, à un moment, de Polonais), de l’autre, les Sharks, qui sont portoricains et peinent encore à parler l’anglais d’Amérique. On remarquera d’ailleurs, à ce sujet, que Spielberg a tenu à ce qu’un assez grand nombre de dialogues soient prononcés en espagnol et sans sous-titres.

Ainsi est mis en place l’aspect particulièrement sombre du film, sa facette politique, pourrait-on dire. Comment ne pas songer, en voyant ces jeunes gens, pourtant tous englobés dans la même précarité, s’affronter jusque dans la violence la plus extrême, comment ne pas songer à tous les racismes et à toutes les divisions qui font florès en notre temps ? Que l’on soit pauvre n’y change rien : c’est comme s’il fallait trouver un exutoire dans des êtres à détester ! C’est dans cet environnement de guerre entre gangs rivaux que naît un amour qui semble miraculeux, tant il se déprend des rivalités et des haines. Cet amour-là, non seulement Spielberg ne le minimise pas, mais il le met en scène avec une confondante habileté. De ce point de vue, la séquence se déroulant dans un dancing, séquence au cours de laquelle intervient le coup de foudre qui réunit Maria la Portoricaine et Tony du gang des Jets, est exemplaire. Tandis que tous les protagonistes se trémoussent sur la piste de danse, tout à coup, irrésistiblement attirés l’un par l’autre, c’est comme si, pendant un temps, Maria et Tony étaient seuls au monde. L’amour n’a que faire des conflits et des jalousies, mais le paradoxe (qu’énonce, plus tard, Maria), c’est qu’à cause de lui, de nouvelles divisions et de nouveaux drames risquent de surgir. Si la scène du dancing demeurera sans doute l’une des plus réputées du film, il en est d’autres qui sont de toute beauté et qu’il serait dommage de sous-estimer. Ainsi, pour n’en citer qu’une, celle qui se déroule lors d’une escapade des amoureux jusque dans le cloître puis dans la chapelle d’une abbaye : c’est là que Maria et Tony échangent leurs consentements, sans prêtre, sans autre témoin que Dieu, comme dans tant de films de ce génial cinéaste qu’était Frank Borzage (1893-1962).

On ne soulignera pas assez toutes les qualités visuelles du film de Spielberg, les scènes de chorégraphie en décors réels, les jeux d’ombres quand les deux gangs rivaux sont sur le point de s’affronter et tant d’autres trouvailles. Excellent directeur d’acteurs, le cinéaste a judicieusement choisi son casting, à commencer par Rachel Zegler qui rayonne littéralement dans son personnage de Maria. Bien sûr, on ne vantera jamais assez les qualités musicales de cette œuvre. Mais aussi, et surtout, on remarquera que, même si l’on a affaire à un drame, on n’en reste pas moins subjugué, au bout du compte, par la force de l’amour. Maria le savait, elle avait bien pressenti que le malheur surviendrait, mais à la fin, même s’il a fallu passer par un chemin de violence, de sacrifice, de mort, c’est quand même l’amour qui est vainqueur !

9/10

 

                                                                                                   Luc Schweitzer, ss.cc.

Tag(s) : #Films, #Film musical, #Drame
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