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PETITE SOLANGE

Un film de Axelle Ropert.

 

 

Il ne faut surtout pas se fier aux apparences, une fois de plus. La belle harmonie qui semble régner, au début du film, entre Antoine (Philippe Katerine) et Aurélia (Léa Drucker), le jour où ils fêtent leurs vingt ans de mariage, n’est que faux semblant, on le saura bien vite. Même le discours du père faisant l’éloge de leurs deux enfants Romain (Grégoire Montana) et Solange (Jade Springer) se teinte d’ironie. À la fin du film, tous les quatre sont à nouveau réunis mais, cette fois, ce n’est pas le père qui tient un discours, c’est Solange qui, alors qu’elle fête son anniversaire (14 ans), explique aux siens que ce qu’elle a appris, entre temps, c’est à quel point la vie peut être dure.

De même que Un Monde de Laura Wandel, sorti récemment sur les écrans, est filmé du point de vue d’une enfant de l’école primaire, ici c’est le regard d’une adolescente de 13 ans qui est privilégié. Avec sa grâce, sa profondeur et le miracle de son jeune talent, Jade Springer apparaît d’ailleurs comme une actrice idéale pour un tel rôle, sachant faire percevoir, sans en rajouter dans l’expressivité, toutes les nuances de son difficile chemin intérieur.

Car ce que la jeune fille décèle, par degrés et avec de plus en plus d’évidence, c’est que ses parents ne s’entendent plus. À la maison, les signes de leur désaccord se multiplient. Qui plus est, elle ne peut même pas s’appuyer sur le soutien de Romain, son frère, qui, plus âgé, préfère fuir loin des problèmes en allant étudier à Madrid. Confrontée à ses propres questionnements, à ses douleurs, à sa déroute, Solange doit composer avec des parents qui, tout à leurs querelles, à leurs carrières, à leurs soucis, se montrent incapables d’être réellement à l’écoute de leur fille. D’un côté, le père, vendeur d’instruments de musique, immature et charmeur, semble se soucier surtout de plaire à une des employées de son magasin. De l’autre côté, la mère, absorbée par sa carrière de comédienne, après avoir joué du Brecht et du Marivaux, s’apprête à jouer du Labiche ! Mais ni Antoine ni Aurélia ne semblent prendre la mesure de la souffrance de leur fille.

Pour filmer cette histoire, Axelle Ropert a judicieusement préféré la retenue. Elle évite les grands effets, se contentant de multiples signes ou références qui font parfaitement appréhender la solitude de Solange (même si elle a la chance d’avoir une amie de son âge avec qui elle fait, entre autres, un exposé sur Greta Thunberg, et semble également attirée par un garçon). Ainsi, quand, en classe d’italien, l’on voit, sur un mur, l’affiche de L’Incompris (1966), film de Luigi Comencini qui brossait le portrait d’un jeune garçon se croyant mal aimé par son père. Ou quand, en classe, Solange se met à pleurer en lisant La Chanson de Gaspard Hauser de Paul Verlaine (« Suis-je né trop tôt ou trop tard ? / Qu’est-ce que je fais en ce monde ? /  Ô vous tous, ma peine est profonde ; / Priez pour le pauvre Gaspard ! »). À 13 ans, à un âge qui devrait être encore un peu insouciant, des peines trop grandes sont déjà là et il faut bien en faire quelque chose. Solange, adolescente à la fois lumineuse et fragile, ne laissera sans nul doute aucun spectateur indifférent. 

8/10

 

                                                                                     Luc Schweitzer, ss.cc.

Tag(s) : #Films
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