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L’INNOCENT

Un film de Louis Garrel.

 

Fils du cinéaste prolifique Philippe Garrel, Louis, qui s’est d’abord fait connaître en tant qu’acteur, depuis qu’il s’est lancé lui-même dans la réalisation, n’a jamais cherché à imiter le style de son père. Au contraire, il affirme de plus en plus, me semble-t-il, sa singularité. C’était flagrant, l’an passé, avec La Croisade, sa bienvenue et excellente fable écologiste. Ça l’est plus encore, sans nul doute, avec L’Innocent, la franche comédie qui vient de sortir sur nos écrans. Affirmer, comme le fait un critique, que l’on a affaire, pour ce film, à une hybridation de Jean-Luc Godard et de François Truffaut me paraît tiré par les cheveux. Il vaut beaucoup mieux, à mon avis, souligner les spécificités du film plutôt que de l’appesantir sous d’imposantes références.

Prenons donc ce film tel qu’il est, avec sa généreuse inventivité, son rythme qui ne faiblit jamais, sa constante drôlerie, sa joyeuse verve. Première épatante surprise : Louis Garrel offre un rôle à sa mesure à Anouk Grinberg, une actrice que l’on n’avait pas vue au cinéma, dans un rôle important, depuis bien longtemps. Elle apparaît, dès la première scène, portant le prénom de Sylvie, en tant qu’animatrice d’un atelier de théâtre en milieu carcéral. Celui qu’elle est en train de faire répéter, c’est Michel (Roschdy Zem), un détenu qui s’apprête à sortir de prison après avoir exécuté cinq ans de peine. Or, ce que l’on apprend rapidement, entre autres au moyen d’une scène désopilante de course-poursuite du véhicule du service pénitentiaire, c’est que tous deux sont amoureux l’un de l’autre, au point qu’ils veulent se marier. Et le mariage a bien lieu, avant même la libération de Michel, en prison, au grand dam d’Abel (Louis Garrel), le fils de Sylvie qui se demande dans quelle inquiétant bêtise sa mère est en train de se fourrer.

L’autre actrice importante du film ne tarde pas à se montrer : c’est Noémie Merlant, formidable de virtuosité et de drôlerie, dans un type de rôle auquel elle ne nous avait guère habitués jusqu’à présent et qui lui convient à ravir. Elle est Clémence, une amie et complice d’Abel sur qui ce dernier peut compter en toutes circonstances, même si leurs relations sont parfois houleuses. Toujours est-il qu’elle est là quand il le faut, alors qu’Abel s’est mis en tête de prendre en filature Michel, dès après sa sortie de prison, tant il est persuadé que ce dernier n’en a pas fini avec ses coups fourrés. Louis Garrel se plaît malignement à multiplier les scènes cocasses, car, évidemment, ni Michel ni Jean-Paul (Jean-Claude Pautot), le comparse qu’il retrouve en douce, ne sont tombés de la dernière pluie, comme on peut l’imaginer.

Il ne faut pas trop en dire sur la suite du film, sinon qu’il s’engage sur une affaire de braquage qui pourrait rapporter gros. Ajoutons aussi, afin de souligner encore l’inventivité d’un scénario qui revisite librement un thème classique du cinéma, que tout le film est traversé par une question de théâtre : qu’est-ce que jouer un rôle ? Jusqu’où faut-il aller pour être vrai ? Et, quand l’on croit jouer un personnage de fiction, n’est-on pas justement, au contraire, en train de se dévoiler soi-même, mieux encore que dans le quotidien de la vie ? Sur ce terrain-là, sur les pistes qu’ouvrent ces questions, le film ne se prive d’aucune subtilité. Et c’est évidemment un régal. La comédie la plus astucieuse qui soit sortie en salles depuis pas mal de temps, c’est certain.  

8/10

 

                                                                                     Luc Schweitzer, ss.cc.

Tag(s) : #Films, #Comédie
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