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JE VERRAI TOUJOURS VOS VISAGES

Un film de Jeanne Herry.

 

En 2018, avec Pupille, Jeanne Herry avait réussi un beau film choral sur le processus d’adoption d’un nouveau-né, en prenant bien soin d’accorder à chacun des protagonistes la consistance nécessaire pour en faire un vrai personnage de cinéma, tout en ne perdant jamais de vue la fiabilité de l’histoire. C’est un procédé identique qu’utilise à nouveau la réalisatrice, cette fois pour parler de justice restaurative, avec cette formule qui sonne comme un slogan au début et à la fin du film : « La justice restaurative est un sport de combat. » Manifestement, si c’est bel et bien un « sport de combat », il finit par porter ses fruits, avec une efficacité qui paraît, il faut le dire, presque trop idéale pour être vraie. C’est, à mon avis, la limite de ce film que de ressembler, d’une certaine façon, à un film publicitaire ayant pour but de recruter de nouveaux bénévoles pour encadrer et accompagner les volontaires, victimes et détenus, dans un processus de rencontres destinées à réparer ou à restaurer. Et cela fonctionne à merveille, c’est ce que tend à prouver le film de Jeanne Herry qui ne se prive pas d’une scène finale à la limite de la mièvrerie.

Cela étant dit, le film ne manque, d’un autre point de vue, ni d’intérêt ni de qualités. Servi par une belle brochette d’acteurs, comme Leïla Bekhti, Gilles Lellouche, Miou-Miou, Elodie Bouchez, Jean-Pierre Darroussin ou encore Adèle Exarchopoulos, il explore, de façon juste et précise, toutes les étapes du processus de justice restaurative, qui consiste à organiser des espaces de dialogue entre des victimes et des auteurs d’infractions violentes, dans le but de réparer, autant que faire se peut, les traumatismes subis par les uns et de conscientiser les autres dans l’espoir d’une meilleure réinsertion. Encadrées par des professionnels ou des bénévoles formés à l’écoute, ces rencontres favorisent le changement de regard et la prise de conscience de ce que vivent les uns et les autres : les victimes dont les vies ont été chamboulées depuis l’agression qu’elles ont subie et qui en gardent des séquelles, mais aussi les détenus qui peuvent, par le moyen de leurs paroles, mettre en question des idées toutes faites, par exemple sur leurs conditions de détention.

Cependant, c’est en dehors des murs de la prison que sont filmées les scènes les plus fouillées, les plus prenantes du film, grâce au personnage joué par Adèle Exarchopoulos. Elle, celui qu’elle doit rencontrer par le biais de son accompagnatrice (finement jouée par Elodie Bouchez) vient d’être libéré de détention et il s’agit de son propre frère qu’elle a accusé d’avoir commis sur elle des actes incestueux alors qu’ils étaient encore, tous deux, très jeunes. L’actrice incarne cette victime avec tout le talent, toute la finesse, dont on la sait capable et son personnage est, sans nul doute, le plus bouleversant du film, parce que le plus approfondi. Ce qu’elle souhaite, c’est de revoir, une seule fois, son frère pour, précisément, n’avoir plus à le rencontrer ensuite. Pourtant, c’est au cours des échanges préparatifs à cette entrevue que se pose, entre autres, pour elle, la question du pardon ou de ce qu’est le pardon. Alors que les autres protagonistes du film paraissent, au bout du compte, presque idéalisés, Adèle Exarchopoulos, ou en tout cas son personnage est celui qui, incontestablement, reste, de bout en bout, le plus authentique, celui auquel on « croit » le plus.  

7/10

 

                                                                                     Luc Schweitzer

 

Tag(s) : #Films
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