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MON CRIME

Un film de François Ozon.

 

À l’exemple d’Alain Resnais, François Ozon, lui aussi, se plaît, de temps à autre, à dénicher sur les rayons des bibliothèques des œuvres de jadis, totalement oubliées, qu’il se fait une joie de dépoussiérer. Ainsi, comme il l’expliquait lui-même, entouré des deux actrices principales du film, à l’avant-première à laquelle j’assistais, , ainsi donc, parce qu’il voulait visionner des films dans lesquels jouait Carole Lombard (1908-1942), découvrit-il un long-métrage médiocre, si on l’en croit, de Wesley Ruggles, film de 1937, un de ces films qu’on a catalogués dans le registre des « screwball comedies », lui-même adapté d’une pièce de théâtre de 1934, écrite par deux auteurs complètement ignorés de nos jours, Georges Berr et Louis Verneuil.

Si le film de 1937 ne vaut pas qu’on s’y attarde, je veux bien croire François Ozon sur parole, je gage qu’il n’en sera pas de même avec cette nouvelle adaptation. Au contraire, il y a tout lieu d’espérer qu’elle connaîtra un franc succès, car elle le mérite amplement. On peut faire confiance à Ozon : même si, dans ce film, il s’ingénie à rendre un bel hommage non seulement aux « screwball comedies » des années 1930, ces films où les répliques fusaient sur un débit de mitraillette, mais aussi aux films français de cette même époque, ceux qu’immortalisa, entre autres, une actrice comme Danielle Darrieux (1917-2017) qu’on entend d’ailleurs chanter, à deux reprises, dans le film d’Ozon, celui-ci a parfaitement réussi à moderniser la pièce de 1934 en lui donnant une orientation résolument féministe qui mérite tous les éloges. Après tout, les luttes féministes n’ont pas attendu la déferlante #MeToo pour se faire entendre et l’on est tout à fait en droit de se réjouir d’avoir affaire à un film qui, tout en se situant clairement dans la période des années 1930, met en scène deux jeunes femmes qui, c’est le moins qu’on puisse dire, ne se laissent pas marcher sur les pieds par les hommes. Et l’on ne peut qu’approuver le retournement opéré par le réalisateur qui, s’emparant d’une de ces pièces de boulevard de jadis, désuètes et, souvent, misogynes, s’est fait un malin plaisir d’en inverser le propos.

Le résultat, c’est un régal de mise en scène et de numéros d’acteurs et, surtout, d’actrices à tomber. Car c’est sur elles, en particulier sur les deux actrices principales du film, que repose une grande partie de la qualité du film. Ces deux jeunes actrices, Nadia Tereszkiewicz (qu’on a pu apprécier, l’an dernier, dans Les Amandiers de Valeria Bruni-Tedeschi) et Rebecca Marder (qui tenait le premier rôle dans Une jeune fille qui va bien de Sandrine Kiberlain en 2021), si elles ont dû être impressionnées de devoir donner la réplique à ce qu’on appelle des « monstres sacrés » du cinéma français, Fabrice Luchini, Dany Boon, Isabelle Huppert et André Dussolier, n’en sont pas moins les véritables étoiles du film, davantage que ces derniers.

Comme dans les films des années 1930, puisqu’il s’agit tout de même de rendre hommage à ce cinéma-là, on a affaire à un scénario plutôt tarabiscoté et à des acteurs qui se plaisent à cabotiner, Fabrice Luchini en imitant Louis Jouvet (1887-1951), Dany Boon en prenant l’accent marseillais d’un Raimu (1883-1946). Quant à Isabelle Huppert, elle se fait une joie maligne de surjouer son rôle. Malgré tout, ou plutôt à cause de ces excès, on se délecte. Mais ce sont néanmoins la jeune apprentie comédienne (jouée par Nadia Tereszkiewicz) et sa colocataire avocate (jouée par Rebecca Marder) qui subjuguent tout au long du film, la première en revendiquant un meurtre qu’elle n’a pas commis, celui d’un producteur qui a réellement tenté d’abuser d’elle, la deuxième en plaidant évidemment pour son acquittement. L’histoire se poursuit de manière assez alambiquée, mais sert surtout de prétexte à Ozon pour dynamiter les apparences. Le soin apporté aux décors, à la photographie, les multiples références au cinéma des années 1930, font le reste : le film est un petit bijou de comédie judiciaire, maline comme tout, qui se savoure du début à la fin. 

8,5/10

 

                                                                                     Luc Schweitzer, ss.cc.

 

 

Tag(s) : #Films, #Cinéma de patrimoine, #Comédie
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