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ABOUT KIM SOHEE

Un film de July Jung.

 

 

L’affaire dont ce film se fait l’écho suscita une vague d’émotion en Corée du Sud :  il y a de quoi, en effet, sachant qu’il y est question du suicide d’une lycéenne poussée à bout par les conditions de travail auxquelles elle dut s’astreindre dans l’entreprise où elle fut embauchée comme stagiaire. Les premières scènes du film nous font pourtant découvrir Kim Sohee (Kim Si-eun), la lycéenne en question, sous les dehors d’une jeune fille énergique, aimant la danse et ayant un tempérament à ne pas se laisser marcher sur les pieds. Néanmoins, à y regarder de plus près, elle n’est pas si solide que ça : preuve en est que sa danse frénétique ne se déroule pas sans quelque chute.

Mais c’est un autre genre de chute que de se retrouver bientôt dans le monde du travail sans nullement y être préparée. Le stage que lui a trouvé son lycée, elle s’y rend avec détermination, sans se douter qu’elle entre dans ce qui équivaudra, pour elle, à une descente aux enfers. La voilà donc embauchée dans une entreprise au nom sinistrement ironique (« Human & Net »), entreprise de télécommunication et d’internet où son rôle, identique à celui d’un grand nombre d’autres employées, consiste à répondre aux abonnés, en particulier à ceux qui veulent résilier leur abonnement, dans le but d’user de tous les moyens de persuasion possibles pour les faire changer d’avis. Concrètement, ce travail est une atrocité à tout point de vue. Sous-payé, soumis au régime de la rentabilité tout comme de la compétitivité, il consiste, le plus souvent, à supporter la mauvaise humeur, voire les insultes et les noms d’oiseaux proférés par des clients mécontents sans jamais se laisser démonter. Et gare à celle qui montre des signes de faiblesse ou, pire encore, finit par accorder à l’interlocuteur ce qu’il demande ! Dans ces cas-là, les réprimandes et les sanctions ne tardent pas. Il y a là un manager chargé de veiller au bon déroulement des opérations. Mais un manager qui, lui-même, n’en pouvant plus des contraintes d’un tel travail, se suicide dans sa voiture… pour être aussitôt remplacé par une femme bien plus inflexible que lui !

Certaines scènes, au milieu du film, semblent indiquer qu’il ne faudrait pas grand-chose pour que Kim Sohee puisse échapper au pire. C’est ce que suggère, symboliquement, un rayon de soleil qui vient caresser son pied nu ou, plus tard, la neige qui recouvre le sol. Mais non, malheureusement, c’est trop tard, la jeune fille est déjà au bout du rouleau et, épuisée, se donne la mort. Le film introduit alors un nouveau personnage, Oh Yoo-jin (Doona Bae), une enquêtrice résolue à faire éclater la vérité sur les raisons qui ont poussé Kim au suicide. C’est une belle figure que cette policière qui, s’opposant même à son chef qui, lui, voudrait rapidement classer l’affaire, est déterminée à aller au bout de la mission qu’elle s’est donné. On estimera peut-être que cette deuxième partie du film s’encombre de quelques longueurs, mais, par le biais de l’enquête menée obstinément par Oh Yoo-jin, elle a le mérite de mettre en évidence l’hypocrisie de tous ceux qui ont contribué à plonger Kim Sohee dans un désespoir qu’elle n’a su résoudre que par la mort : l’entreprise de télécommunication dans laquelle elle fut embauchée mais aussi le lycée qui l’y a envoyée. D’un côté comme de l’autre, on essaie de se justifier en faisant porter le chapeau à l’autre. Misérable et sempiternelle défense de ceux qui refusent d’endosser quelque responsabilité que ce soit. Quoi qu’il en soit, ce film, outre qu’il est porté par deux actrices formidables, en prenant le temps de décortiquer un système pernicieux, le dénonce avec efficacité.  

8/10

 

                                                                                     Luc Schweitzer

Tag(s) : #Films, #Drame
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