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Quelques propos de François Ozon (faire de la place aux spectateurs).

J'ai déjà eu plusieurs fois l'occasion de souligner à quel point j'aime les cinéastes qui, lorsqu'ils font un film, ne le font pas seulement pour satisfaire leur ego mais le pensent et le travaillent de manière à laisser de l'espace aux spectateurs. Pour moi, c'est primordial: que m'importent les films qui n'ont d'autre ambition que de m'en mettre plein les yeux ou qui se croient tenus de tout expliquer ou qui ont la prétention de me montrer des réalités qui me sont physiquement insaisissables "comme si j'y étais" ("La Passion du Christ" de Mel Gibson ou "Le Fils de Saul" de Laszlo Nemes par exemple). La conception même de ces films les condamne à n'être que des leurres.

Dans la très intéressante interview qu'il a donnée à Télérama à l'occasion de la sortie de "L'Amant double", François Ozon explique combien comptent à ses yeux les spectateurs. Quand il écrit ses films, quand il les met en scène, quand il les réalise, il leur donne leur place et les choix qu'il fait, il les fait en songeant à ceux qui verront le film.

A ce sujet, je relève deux extraits significatifs de son interview, deux extraits qui, selon moi, prouvent, s'il en est besoin, qu'on a affaire à un cinéaste non seulement talentueux mais responsable. Les sujets abordés par François Ozon dans plusieurs de ses films peuvent paraître choquants à certains, j'imagine, mais la façon de traiter ces sujets n'est, elle, nullement inconvenante, bien au contraire. J'ai déjà écrit, dans d'autres textes, que, pour moi, il n'y a pas de sujets tabous au cinéma. Quel que soit le sujet, ce qui compte, c'est la façon de filmer, ce sont les choix de mise en scène du réalisateur. Et sur ce point, François Ozon me semble assez irréprochable.

Venons-en donc aux deux extraits de son interview.

Lorsqu'on lui demande s'il a eu des problèmes à tourner des scènes érotiques, François Ozon répond: " Aucun. A condition d'avoir résolu des problèmes de mise en scène. D'avoir prévu à l'avance ce que je vais montrer ou pas. Prévoir les plans qui risquent d'exciter, de choquer, voire de révulser les spectateurs."

Et dans un autre passage; "Comme je traite le spectateur en adulte, je joue avec lui. Je tisse des fils entre nous. J'en fais mon complice. J'essaie de lui laisser des espaces où, s'il le souhaite, il peut devenir actif. Et je suis aux anges s'il le fait."

Quelle belle et noble conception du cinéma! Tout ce que j'aime! François Ozon, comme d'autres réalisateurs, ne fait pas de nous des simples spectateurs mais, comme il le dit, des "complices". Les cinéastes les plus intéressants sont ceux qui se donnent cette peine-là. Les autres, en fin de compte, même quand ils abordent les sujets les plus graves, font du divertissement et rien de plus. Je ne méprise pas le pur divertissement (il m'arrive moi-même d'en consommer, je l'avoue), mais je le considère comme de moindre importance.

 

Luc Schweitzer, ss.cc.

Tag(s) : #Cinéma, #Réalisateurs
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