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LA MISSION

Un film de Paul Greengrass.

 

 

Adapté de Des Nouvelles du Monde, roman de Paulette Jiles traduit en français et publié chez Folio, le nouveau film de Paul Greengrass, initialement programmé pour sortir en salles, a été récupéré par Netflix. Contentons-nous donc de nos petits écrans pour nous laisser séduire par une photographie superbe et une belle variété de sites naturels et de décors. Rien que de ce point de vue, le film mérite d’être regardé. Et puis un western, genre devenu rarissime, cela ne se refuse pas !

Certes, avec La Mission, il ne faut pas s’attendre à un renouvellement de ce genre. Mais est-ce nécessaire ? Même si l’on reprend des thèmes déjà traités par d’autres cinéastes (et pas des moindres), même si l’on fait droit aux inévitables ficelles du western, si l’on s’y prend bien, il n’y a pas de raisons de ne pas réussir à captiver les spectateurs. Le genre s’y prête bien, sans qu’on se donne la peine d’en bouleverser les codes. Il peut aussi, assez facilement, du fait de son cadre et de ses thématiques, servir, en quelque sorte, de miroir à l’Amérique d’aujourd’hui, toujours et encore tourmentée par les mêmes divisions, les mêmes démons.

Pour ce qui concerne La Mission, tout est réuni pour séduire, tant sur la forme que sur le fond. Le personnage principal, le capitaine Jefferson Kyle Kidd, joué sobrement mais efficacement par Tom Hanks, n’est d’ailleurs pas si conventionnel puisque, après avoir combattu pendant la guerre de Sécession (l’action du film se déroule en 1870, cinq ans après la fin des hostilités), il s’est reconverti en colporteur de nouvelles, métier que je ne me souviens pas avoir déjà rencontré dans un western. Sillonnant le Texas, il se propose de lire aux habitants des bourgades, eux-mêmes souvent illettrés, les articles des journaux les plus récents qu’il ait pu trouver. C’est d’ailleurs à ces occasions que les divisions exacerbées par la guerre de Sécession ressurgissent, mais c’est aussi l’opportunité, lors d’une des scènes du film, d’en appeler à la révolte contre un potentat local, un homme qui s’est arrogé tous les pouvoirs et qu’il convient de renverser. Un appel à la liberté qui ne peut pas ne pas résonner fortement aujourd’hui, après quatre de présidence de Donald Trump !

Mais il est un autre sujet qu’aborde le film, un sujet certes déjà traité plusieurs fois au cinéma, entre autres par John Ford (dans son génial La Prisonnière du Désert en 1956, ainsi que dans Les Deux Cavaliers en 1961), mais auquel Paul Greengrass parvient néanmoins (sans atteindre le niveau d’excellence de Ford) à apporter un peu d’originalité, ne serait-ce qu’à cause de la relation intéressante qui se noue entre un vieil homme (le colporteur de nouvelles) et une enfant de dix ans. C’est un peu une variation sur Le Vieil Homme et l’Enfant dans un cadre westernien.

L’enfant en question (parfaitement interprétée par Helena Zengel), le capitaine la trouve, seule auprès d’un chariot dont le conducteur a été pendu. Elle est blonde et, cependant, habillée en Indienne et ne parle pas un mot d’anglais. Mais des papiers trouvés près d’elle révèlent quelque chose de son identité. Son nom de naissance est Johanna Leonberger, elle est issue d’une famille de pionniers d’origine allemande ayant été attaquée par des Indiens Kiowas. Épargnée par ces derniers, adoptée par eux, elle a été élevée, durant des années comme une Indienne. Mais il s’agit maintenant de la conduire jusqu’à ses seuls parents encore vivants, un oncle et une tante habitant à 600 kilomètres du lieu où Kidd l’a trouvée. Ce dernier est bien résolu à se débarrasser d’elle rapidement, mais les circonstances en décident autrement. C’est lui, Kidd, qui se charge d’elle, c’est lui qui entreprend de parcourir avec elle les 600 kilomètres qui les séparent de l’oncle et de la tante.

Cette pérégrination, on s’en doute, est émaillée de quelques péripéties : rencontres d’hommes malveillants, cheval qui s’emballe, vent de sable (au cours duquel une scène, de toute beauté, fait apparaître des silhouettes d’Indiens qui, tout misérables d’apparence qu’ils soient, sont porteurs de salut)… Mais le film, souvent, se pare d’un ton plus calme, plus méditatif et non moins dénué d’intérêt. Car, bien sûr, ce qui se joue entre Johanna et le capitaine Kidd, malgré la barrière de la langue, est l’un des points forts du film. Petit à petit, Johanna apprend des rudiments d’anglais et il se passe, entre le vieil homme et l’enfant, quelque chose de fort. On ne fait pas 600 kilomètres côte à côte, on n’affronte pas ensemble des périls, sans un changement des regards. « Il faut marcher devant soi, aller tout droit, sans se retourner en arrière », recommande le capitaine Kidd. À quoi Johanna rétorque que, pour mieux avancer droit, il faut au préalable se mettre en accord avec ses souvenirs.

Encore une fois, je le répète, tout en respectant les codes traditionnels du western, ce film ne manque pas d’atouts pour séduire même les spectateurs les plus exigeants. 

8/10

 

                                                                                     Luc Schweitzer, ss.cc.

Tag(s) : #Films, #Western
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