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ROUGES ESTAMPES

Une bande dessinée de Jean-Louis Robert, Carole Trébor et Nicola Gobbi.

 

 

En ce 150ème anniversaire de la Commune, les rééditions et les inédits s’accumulent sur les étals des librairies. Même si l’événement de la Commune n’a duré qu’un peu plus de deux mois, il a marqué durablement les esprits, au prix cependant d’un certain nombre de représentations falsifiées et de discours biaisés. On sait bien que l’histoire est toujours écrite par les vainqueurs, ce qui donne lieu à de considérables caricatures.

Heureusement, aujourd’hui, 150 ans plus tard, il est possible de rendre compte de l’insurrection de la Commune de manière plus apaisée et, peut-être, de manière plus conforme à l’historicité. Avec le risque, néanmoins, si l’on n’y prend pas garde, surtout dans un genre comme celui de la BD, de se contenter d’allusions ou de raccourcis presque grossiers.

Malheureusement, Rouges estampes n’échappe pas totalement à ce reproche. C’est le cas, en particulier, lorsque l’album aborde la question de l’Église et de l’État, le statut des prêtres, ou plutôt des curés, pour reprendre le mot qu’emploient les communards dans la BD, les religieux et religieuses renvoyés des écoles pour faire place à un enseignement laïc. Il ne s’agit pas pour moi de critiquer ces décisions quant à leur bien-fondé, mais de déplorer des allusions énoncées par un personnage sans être le moins du monde étayées par quoi que ce soit. Ainsi ce personnage affirme-t-il tout à coup que « les curés touchent les filles » ! Et puis ? Et puis rien… On passe à autre chose, sans que cette allégation ait été justifiée d’une quelconque manière…

Du point de vue de son scénario, donc, cette bande dessinée laisse un peu à désirer. Elle a cependant le mérite de proposer une chronologie assez détaillée des événements qui ont émaillé la Commune. Ainsi, si le premier décret du 2 avril concerne la séparation de l’Église et de l’État, le deuxième, en date du 16 avril, s’emploie à lutter contre le chômage. La BD rend compte, de manière précise, de la misère régnant à Paris, beaucoup d’habitants devant se contenter de manger des rats. Elle montre aussi la détermination des communards, jointe cependant à une incapacité de résister aux troupes, mieux organisées et mieux armées, des versaillais.

Enfin, tout comme Dans l’ombre du brasier, le roman d’Hervé Le Corre dont il était question, récemment, sur mon blog, les scénaristes ont intégré à la grande histoire une sombre affaire criminelle, plus terrifiante encore que celle du roman. Des femmes, mais aussi un homme, sont retrouvés, au fil des jours, assassinés, atrocement mutilés, leurs cadavres disposés comme pour évoquer une scène macabre. Ces crimes se réfèrent, semble-t-il, à une série de 28 estampes japonaises particulièrement sinistres. L’album s’attache donc à suivre l’enquête mené par un certain Raoul, nommé commissaire du quartier de Plaisance, dans le 14ème arrondissement. Là aussi, le genre BD risque d’être quelque peu frustrant. L’enquête proposée par Hervé Le Corre dans son roman, plus fouillée, plus prodigue de détails, m’a semblé bien plus palpitante.

Quant aux dessins, tout en noir et blanc, avec parfois des taches de couleur rouge, s’ils ne sont pas désagréables, ils paraissent tout de même un peu trop schématiques.

En fin de compte, cette BD m’a laissé une impression mitigée. Si elle ne manque pas d’intérêt du point de vue historique et de celui de la chronologie des événements, insérant même dans ses pages des reproductions de documents d’époque, elle déçoit quelque peu du point de vue tant scénaristique que graphique. 

6,5/10

 

                                                                                     Luc Schweitzer, ss.cc.

Tag(s) : #Livres, #Bande dessinée, #Histoire
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