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LE FIL SANS FIN

Un livre de Paolo Rumiz.

 

Journaliste du quotidien La Repubblica, Paolo Rumiz s’est fait connaître en tant qu’écrivain voyageur, arpentant infatigablement les routes et les chemins d’Italie et d’Europe. Ses récits de voyage, tous remarquablement écrits, témoignent de sa passion de la découverte et de sa curiosité toujours en éveil. Qu’il parte à la recherche du passage emprunté par Hannibal, qu’il descende le cours du Pô, qu’il emprunte la mythique Via Appia ou qu’il pousse jusqu’aux frontières de l’Europe, chaque fois Paolo Rumiz impressionne par la pertinence de son regard et la justesse de ses réflexions.

C’est le cas, à nouveau, dans Le Fil sans fin, ouvrage tout entier dédié à l’un des saints patrons de l’Europe, Benoît de Nursie. Ce moine, qui a fondé au Vie siècle l’ordre qui porte son nom, les Bénédictins, n’a certes pas usurpé son titre : n’est-ce pas lui qui a, d’une certaine manière, sauvé l’Europe, à l’heure où des hordes de barbares envahissaient ce qui était l’Empire romain ? N’est-ce pas lui qui, représenté sous forme de statue, à Nursie précisément, dans une région d’Italie frappée par le séisme d’août 2016, lève le bras « comme pour indiquer quelque chose entre le ciel et la terre ».

Et, comme les Bénédictins essaimèrent rapidement dans de nombreux pays d’Europe, formant un réseau de solidarité ne tenant pas compte des frontières, quoi de mieux, pour raviver la fragile flamme de la nécessaire construction européenne, que d’aller d’abbaye en abbaye, témoignant ainsi que la vie spirituelle tout comme la sobriété valent mieux que le consumérisme et le matérialisme dont se repaissent tant de nos contemporains.

Tirant une sorte de fil d’un lieu à un autre, Paolo Rumiz fit donc son tour d’Europe des abbayes bénédictines, depuis l’Italie (Praglia, en Vénétie, Muri-Gries et Marienberg, dans le Tyrol du Sud) jusqu’à la Hongrie (Pannonhalma) en passant par l’Allemagne (Niederalteich et Altötting), la Suisse (Saint-Gall), la France (Citeaux et Saint-Wandrille) et la Belgique (Orval). Partout, sans dédaigner les bières et autres spécialités monastiques, Rumiz observe et raconte avec justesse et profondeur sa quête de foi.

Foi en Dieu ? Pas forcément, pour ce qui concerne Rumiz. Mais, à coup sûr, foi en une Europe capable de dépasser tous les particularismes locaux pour se retrouver et s’unir autour d’une même règle, comme le font les moines. Lucide, Paolo Rumiz voir ressurgir les vieux démons du nationalisme qui, dans le passé, ont occasionné tant de conflits et de guerres. « Jamais au cours de l’histoire, écrit-il, nous n’avons eu autant de problèmes en commun, et pourtant voilà que l’Europe, au lieu de se souder, se chamaille, élève des barbelés, se divise, remet en doute la démocratie. Elle ignore ses propres racines. Elle oublie qu’elle est la terre des règles. »   

8/10

 

                                                                                     Luc Schweitzer

Tag(s) : #Livres, #Voyages
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