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THE DISSIDENT

Un film de Bryan Fogel.

 

 

Ce film, qui avait été programmé pour être diffusé dans les salles de cinéma, sur grand écran, doit, en fin de compte, se contenter d’une sortie, en France, beaucoup plus discrète, puisqu’il n’est désormais à l’affiche que sur les plateformes de VOD. Les plateformes de streaming, comme Netflix ou Prime Video, par contre, n’en ont pas voulu. Sans doute n’ont-elles pas osé prendre le risque de déplaire au puissant prince héritier d’Arabie saoudite Mohammed ben Salman, communément appelé MBS, de peur de perdre un de leurs marchés…

C’est cet homme-là qui, de fait, tient les rênes du pouvoir depuis juin 2017 à Riyad, un homme qui non seulement se soucie des droits de l’homme comme d’une guigne mais qui a fait mettre en place un système de surveillance des populations et des individus qui ne le cède en rien à celui d’un pays comme la Chine. La société cauchemardesque qu’avait imaginé George Orwell dans son fameux roman 1984 est aujourd’hui bien réelle. Et le film de Bryan Fogel s’attache à démontrer l’ampleur d’un système de surveillance des individus qui dépasse les frontières de l’Arabie saoudite, puisque l’espionnage se concrétise par le moyen de logiciels espions qui infestent les téléphones portables à l’insu de leurs propriétaires. C’est une sorte d’armée de cyber-attaquants qui opèrent depuis Riyad, à la fois pour investir les téléphones mais aussi pour traquer chaque propos émis sur Twitter au sujet de MBS et de la famille régnante en Arabie. Il s’agit, pour eux, d’intervenir massivement chaque fois qu’est repéré le moindre avis négatif sur MBS et ses proches afin de le neutraliser.

Mais ce n’est là qu’un des aspects du documentaire de Bryan Fogel, l’essentiel étant de faire toute la clarté sur l’assassinat, en octobre 2018, de l’opposant saoudien Jamal Khashoggi, perpétré à l’intérieur même du consulat d’Arabie saoudite à Istanbul. Ce dernier, journaliste de renom, s’était résolu à l’exil, quittant non seulement son pays mais sa famille, afin de pouvoir exercer librement son métier. Or, étant donné qu’il était réputé pour être un spécialiste et un parfait connaisseur des rouages du pouvoir en Arabie saoudite, il représentait, aux yeux de ceux qui tiennent les rênes de ce pays, une véritable menace et, bien sûr, il était considéré, par eux, comme un traître. Or, ce que démontre le réalisateur Bryan Fogel, c’est que son assassinat fut commandité et planifié par les plus hautes instances du pouvoir en Arabie. Les preuves ne manquent pas. Les tueurs profitèrent d’ailleurs éhontément d’une circonstance. En exil, Jamal Khashoggi avait fait la rencontre de Hatice Cengiz, jeune femme qu’il projetait d’épouser. C’est afin d’obtenir des papiers nécessaires en vue de son mariage que le journaliste s’était donc rendu au consulat d’Arabie, où tout avait été planifié pour le tuer et faire disparaître son corps. Hatice Cengiz, elle, émouvante et digne, entamait alors un long combat pour la justice.

Avant sa mort, Jamal Khashoggi avait rencontré un autre exilé qui, depuis le Canada, prenait le risque de dénoncer ouvertement les méthodes répressives du royaume saoudien, un certain Omar Abdulaziz, jeune activiste qui, alors même que des membres de sa famille ont été arrêtés et torturés, persévère néanmoins en animant, entre autres, une émission critique sur Youtube. La lutte continue, lutte pour la justice et pour la liberté d’expression. Puisse au moins ce documentaire mettre à nu le visage d’un régime qui reste terriblement oppressif. Ne soyons pas dupes, ne nous laissons pas influencer par les belles paroles gonflées d’hypocrisie de ceux qui prétendent que l’Arabie s’est engagée sur un chemin de réformes ! Ce n’est que poudre aux yeux !

8/10

 

                                                                                     Luc Schweitzer, ss.cc.

Tag(s) : #Films, #Documentaires
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