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DANS LES ANGLES MORTS

Un film de Robert Pulcini et Shari Springer Berman.

 

 

Deux jeunes époux et leur fille décident d’acheter une maison à la campagne, dans la vallée de l’Hudson, et de s’y installer plutôt que de rester à Manhattan. Ou, plus précisément, c’est George (James Norton), l’homme, le chef de famille, qui insiste pour prendre possession d’une demeure ancestrale, qui semble d’ailleurs n’être plus habitée depuis pas mal de temps. Or, une fois sur place, des manifestations étranges se produisent. Dans la chambre de la petite fille, une lumière s’allume brusquement, toute seule, en pleine nuit, terrorisant l’enfant. On peut même apercevoir la silhouette d’une femme, une inconnue qui hante la maison. Plus tard, sur le dessus d’une armoire, Catherine (Amanda Seyfried), l’épouse de George, découvre un vieil ouvrage poussiéreux à l’intérieur duquel est inscrit l’arbre généalogique des anciens occupants de la maison. Les noms de plusieurs d’entre eux sont non seulement barrés mais l’on a inscrit, à côté d’eux, le mot « damned » (« âme damnée »).

Ainsi se déroule, à peu près, la première demi-heure du film, mais il ne faut pas trop s’y fier. On se dit, dès lors, qu’on va avoir affaire à un film de maison hantée tout à fait banal dans le genre d’Amityville (1979), d’autant plus que, sur les pages internet qui lui sont dédiées, Dans les angles morts est présenté comme un film d’épouvante, voire d’horreur. Il convient donc aussitôt de dire aux amateurs de films de ce genre qu’ils risquent d’être très déçus. En vérité, l’on a affaire, bien davantage, à un thriller (comportant, bien sûr, quelques scènes d’épouvante) plutôt qu’à un film classique de maison hantée.

Des phénomènes paranormaux, il y en a, oui, mais ils sont le prétexte à une recherche menée par Catherine sur les anciens habitants de la maison, plus qu’à de véritables scènes d’épouvante. En fin de compte, il semble même que l’esprit ou les esprits qui manifestent parfois leur présence n’ont rien de maléfique, au contraire. C’est ce qui apparaît, de plus en plus clairement, à Catherine, et ce, grâce à l’aide et au soutien d’un groupe de disciples d’Emmanuel Swedenborg (1688-1772), scientifique, philosophe, théologien suédois, qui élabora une doctrine basée sur les correspondances entre le monde spirituel et le monde matériel. Une doctrine qui, je le dis en passant, inspira Baudelaire (dans son poème Correspondances) et surtout Balzac qui, en fervent swedenborgien, écrivit un roman tout imprégné des doctrines du maître (Séraphîta en 1834). Pour Swedenborg et ses disciples, précisons-le, seuls les bons esprits entrent en communication avec les personnes de bien, les esprits maléfiques étant, quant à eux, réservés à ceux dont le cœur est déjà habité par le mal.  

En vérité, sous couvert d’une histoire de maison hantée, ce film, plutôt habilement construit, met en évidence, afin de le dénoncer, l’omnipotence voulue et assumée du chef de famille et, par contrecoup, du patriarcat d’une manière générale. Entre George et Catherine, la relation se délite et vire bientôt à l’affrontement. Et, bien sûr, pour un homme pétri d’orgueil comme l’est George, c’est insupportable. D’autant plus que cet homme, si fier de sa « réussite », tente de dissimuler, autant qu’il est possible, des faits peu reluisants de sa vie antérieure. Quant aux esprits avec qui il est possible, selon Swedenborg, d’établir des correspondances, ils ne peuvent cependant pas servir de prétexte pour excuser la volonté de toute-puissance de celui qui se considère chef de famille.

Bien filmé, utilisant habilement les décors mais aussi, par exemple, des peintures, ce long-métrage, qui commençait de manière banale, affirme de plus en plus sa singularité. Qui plus est, il s’achève au moyen de plans extrêmement marquants. À voir, sans nul doute (sur Netflix !). 

7,5/10

 

                                                                                     Luc Schweitzer, ss.cc.

Tag(s) : #Films, #Epouvante
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