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NOMADLAND

Un film de Chloé Zhao.

 

Née en Chine en 1982, c’est aux États-Unis, où elle s’est établie depuis de nombreuses années, que Chloé Zhao exerce son métier, ou plutôt sa passion, de cinéaste. Dès son premier long-métrage, Les Chansons que mes frères m’ont apprises, en 2015, film tourné dans la réserve indienne de Pine Ridge, elle orientait clairement son regard vers les laissés-pour-compte, voire les marginaux, du rêve américain. On la devinait également fascinée par les paysages à couper le souffle tels qu’on peut les admirer dans l’Ouest des États-Unis. Avec The Rider, en 2017, la cinéaste se focalisait sur un cow-boy de rodéo devant se reconvertir à la suite d’un accident de cheval. Et voici enfin Nomadland, film attendu puisque ayant remporté le Lion d’Or à Venise en 2020 ainsi que, récemment, trois Oscars.

Le style à la fois ample (lorsqu’il s’agit des paysages) et resserré (lorsqu’il s’agit des personnages) de Chloé Zhao, ainsi que ses thèmes de prédilection, sont à nouveau au rendez-vous d’un film tout entier dévolu aux petites gens de l’Amérique, en l’occurrence celles et ceux qui, pour une raison ou pour une autre, n’ont plus de domicile fixe et, de ce fait, sillonnent les routes et les bourgades de l’Ouest américain à la recherche de boulots saisonniers qui leur permettent de subvenir, plus ou moins, à leurs besoins. C’est le cas de Fern (Frances McDormand), veuve d’une soixantaine d’années venant de perdre son emploi et se trouvant contrainte de mener désormais cette vie d’errance. Sans maison, il ne lui reste plus qu’à vivre dans son véhicule, un van qu’elle utilise non seulement pour ses déplacements mais dans lequel elle dort, fait sa cuisine, etc.

Des boulots précaires ou saisonniers, elle en trouve : manutentionnaire chez Amazon, hôtesse d’un terrain de camping, serveuse de restaurant, ouvrière dans une usine de transformation de betteraves sucrières… Mais ce qu’elle trouve surtout, dans sa vie nouvelle, sa vie de nomade, c’est une communauté d’hommes et de femmes menant le même genre d’existence qu’elle. Il y a bien, de temps à autre, dans les rapports qui s’établissent entre ces personnes, des maladresses ou des agacements, mais il y a, bien davantage, un esprit d’entraide et de solidarité : c’est ce qui prévaut chez ces gens. Fern noue des connaissances et, même, des amitiés. Et quand l’occasion s’y prête, quand l’un ou l’autre se laisse aller à faire des confidences, à parler de son passé, chaque fois, ce sont des blessures, des pertes, des deuils qui sont évoqués.

Il n’y a que deux acteurs professionnels dans ce film : Frances McDormand, dont on appréciera ici le jeu sobre, retenu, et David Strathairn. Tous les autres intervenants, la réalisatrice les montre tels qu’ils sont dans la vie de tous les jours, ce qui confère au film une authenticité qui fait mouche. Ces hommes, ces femmes, Chloé Zhao se garde de leur faire jouer un rôle, encore moins d’en faire des héros. On est d’autant plus impressionné de constater que c’est la solidarité qui prime, chez eux, qu’ils savent que seul on ne peut rien, mais qu’en s’épaulant, la vie, même si elle est rude, est plus facile à supporter. Quand une des femmes en vient à confier qu’elle a songé, jadis, à se suicider, on comprend que, pour elle, cette tentation s’est à présent éloignée. En fin de compte, si Chloé Zhao se plaît à filmer les superbes paysages de l’Ouest américain, elle excelle surtout à accompagner de son regard bienveillant les personnes. 

8/10

 

                                                                                     Luc Schweitzer, ss.cc.

Tag(s) : #Films, #Drame
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