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TITANE

Un film de Julia Ducournau.

 

 

Tout est possible au cinéma, y compris ce qu’on peut imaginer de plus incongru. Dans Jumbo (2020) de Zoé Wittock , une jeune femme fait l’amour avec un manège ! Julia Ducournau, elle, préfère, plus sagement si l’on peut dire, lorgner du côté d’un classique du cinéma de genre, Crash (1996) de David Cronenberg. Elle nous propose donc une héroïne, Alexia (Agathe Rousselle), qui fait littéralement l’amour avec une voiture. La scène en question pourrait prêter à rire si elle ne se situait pas dans un contexte de violence extrême. Car, si Alexia est attirée par une voiture, pour ce qui est des humains, par contre, ce qui lui donne du plaisir, c’est de les exterminer !

En fait, il n’y a pas grand-chose à comprendre, d’un point de vue logique, dans le film de Julia Ducournau. On peut lister les thématiques qu’il brasse, celles de l’identité, du genre, de la sexualité et de la filiation, mais rien de tout cela n’est vraiment approfondi, sauf la question de la filiation. La réalisatrice se sert de son personnage principal pour arriver à ses fins, impressionner le spectateur avec des scènes « choc ». Elle y réussit parfaitement car il faut lui reconnaître un indéniable talent de réalisatrice.

Cela étant, on a affaire à une sorte de long trip qui se moque comme d’une guigne de logique narrative. Ce qui compte, ici, c’est d’empoigner le spectateur, de le subjuguer et de l’effrayer en même temps et, de ce point de vue, c’est réussi. Mais on ne peut pas ne pas se demander « à quoi bon ».

Nous voilà donc confrontés à un personnage mi-humain mi-machine, une sérial-killeuse qui, lorsqu’elle était enfant, à la suite d’un accident de la route, a été opérée du cerveau, à la suite de quoi le chirurgien a placé dans son crâne un morceau de titane. Devenue adulte, Alexia s’exhibe dans un salon « automobiles », fait l’amour avec une voiture et se distingue par sa violence meurtrière. Puis, après une absence prolongée, elle ressurgit et retrouve son père (Vincent Lindon) en se faisant passer pour un garçon et, cela alors qu’elle est enceinte et voit s’échapper de son corps des liquides qui n’ont rien de fluides humains mais ressemblent plutôt à des huiles de moteur !

Si, néanmoins, le film ne sombre pas dans une totale ineptie, c’est grâce à l’apport du personnage joué par Vincent Lindon. Pompier de profession, obligé de s’injecter une drogue pour tenir le coup, il parvient à toucher le spectateur. Il est celui qui introduit de l’humanité dans un film qui en semblait presque totalement dépourvu auparavant. Et, conséquemment, à cause de son amour pour celui qu’il nomme Adrien (Alexia se faisant passer pour un garçon), il infuse de l’humanité à celui-ci (ou celle-ci). Avec son corps qui suinte d’huiles de moteur, avec l’enfant qu’elle porte et dont on se demande quel être hybride il sera, avec son crâne rasé et la marque de sa trépanation, Alexia se transforme à nos yeux, non seulement physiquement, mais aussi du point de vue des sentiments et de son intériorité. Elle n’est plus une sérial-killeuse, elle n’est plus une machine à tuer, elle renoue avec l’humanité tout en conservant jusqu’au bout une ambiguïté.  

Fascinée par les machines et par le feu, Julia Ducournau propose un film « clivant », dérangeant, un film qui a plu au jury du festival de Cannes et, sans doute, tout particulièrement à Spike Lee, son président, mais qui, à mon avis, ne mérite ni les honneurs d’une Palme d’Or ni, à contrario, d’être conspué. Le talent de la cinéaste pour la mise en scène est évident et elle a su introduire de l’humain dans un contexte particulièrement brutal. Mais quant à s’extasier sur un film dont le scénario ignore à ce point la logique narrative, très peu pour moi ! 

5/10

 

                                                                                     Luc Schweitzer, ss.cc.

Tag(s) : #Films, #Epouvante
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