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LA TERRE DES HOMMES

Un film de Naël Marandin.

 

 

Le mot « hommes », dans le titre de ce film, il faut le comprendre non pas dans le sens de l’humain, quel que soit le sexe, mais bel et bien dans le sens du masculin opposé au féminin. Dans le monde paysan, il est rare de voir une femme en première ligne. Les chefs d’exploitation sont quasiment tous des hommes, ce que le film donne à voir, dès le début, de manière flagrante, dans le cadre d’un marché à bestiaux. C’est l’occasion, pour le réalisateur, d’introduire les deux thèmes concomitants de son long-métrage : d’une part, la prééminence des hommes et leurs comportements machistes, d’autre part un système de concurrence dans lequel les petits exploitants risquent d’être broyés. Au marché à bestiaux, on a vite fait de comprendre qu’on ne se fait pas de cadeaux, et tant pis pour ceux qui n’ont pas les reins assez solides.

Or c’est précisément sur une petite exploitation de bovins que se focalise le film et, bien évidemment, sur les difficultés de rentabilité rencontrées par la famille de fermiers : Constance (Diane Rouxel), Bernard (Oilivier Gourmet), son père, et Bruno (Finnegan Oldfield), son fiancé. Comme beaucoup d’autres paysans, ils sont contraints de vivre (ou de survivre) dans une situation de précarité. Néanmoins, en femme entreprenante et avec le soutien de son fiancé, Constance, non seulement ne veut pas baisser les bras, mais échafaude un projet capable, selon elle, de sauver l’exploitation héritée de son père. Pour ce faire, elle envisage un projet éthique et de proximité, plutôt que de s’enfoncer encore davantage dans une course à la productivité qui ne peut la conduire qu’à sa perte. D’autant plus que, parmi les gros exploitants des environs, certains sont à l’affût, ne demandant qu’à racheter les terres à prix avantageux (pour eux, bien entendu).

Mais, pour mener à bien son projet, Constance a besoin de soutien et d’aide financière, que seule une commission d’agriculteurs peut lui obtenir. C’est là que vient se greffer l’autre thème du film, non seulement celui du machisme, mais aussi des abus sexuels et du viol. Car il est un homme qui s’empresse de vouloir donner son appui à Constance, c’est en tout cas ce qu’il affirme : c’est Sylvain (Jalil Lespert), le responsable syndical local. En vérité, l’homme joue un double jeu, ce qui lui permet de tenir Constance sous son emprise sur la durée. Il la viole une première fois, puis continue de profiter des circonstances pour abuser d’elle à nouveau.

Le film pose, avec intelligence, la question des abus sexuels, même quand il n’y a pas de violence physique. En l’absence d’agression et de brutalité, on a vite fait de conclure que les intéressés étaient consentants. Ce qui ne se vérifie pas nécessairement. Au moment du viol, Constance ne dit quasiment rien, elle ne se débat pas, elle ne verbalise pas son refus. Est-elle, pour autant, consentante ? Elle ne l’est pas, mais elle est tellement pétrifiée et sidérée qu’elle n’a pas la capacité de réagir pendant que son agresseur profite d’elle. Et comment prouver qu’il y a eu viol, dans un cas comme celui-là ?

En fin de compte, Constance doit mener de front deux combats : l’un pour réussir à sauver sa ferme, l’autre pour obtenir justice contre son agresseur. Mais comment s’y prendre alors qu’elle ne peut donner la moindre preuve de ce qu’elle affirme ? En femme déterminée, Constance n’a peut-être pas dit son dernier mot. Ajoutons, pour finir, qu’en choisissant Diane Rouxel pour jouer ce rôle, Naël Marandin a eu, comme on dit, le nez creux. L’actrice habite ce rôle de manière impressionnante : elle est on ne peut plus convaincante.

8/10

 

                                                                                                   Luc Schweitzer, ss.cc.

Tag(s) : #Films, #Drame
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