Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

FIRST COW

Un film de Kelly Reichardt.

 

 

Voilà une cinéaste qui s’affirme, de film en film, comme l’une des plus indépendantes qui soient. Si First Cow peut être classé dans la catégorie « western », comme ce fut le cas pour un autre film de Kelly Reichardt (La Dernière Piste en 2010), il ne faut pas s’attendre, cependant, à du déjà-vu. Le regard, la mise en scène, les décors eux-mêmes et les personnages, tout apparaît sous un jour nouveau ou, en tout cas, grandement renouvelé.

Nous sommes quelque part en Oregon, durant les années 1820, au bord du fleuve Columbia, un fleuve qui, d’emblée, se présente comme l’un des éléments les plus importants du film. D’ailleurs, pour les colons qui ont commencé de s’installer sur les terres environnantes, le cours d’eau représente un moyen important de subsistance. Dans une nature encore sauvage, au bord d’un fleuve où abondent encore les castors (il en est beaucoup question dans le film), des personnages, parfois quasiment déguenillés, tentent de s’organiser pour, sinon prospérer, en tout cas mener une vie plus décente.

Parmi eux, il en est qui ont déjà des moyens un peu plus importants que les autres. Ainsi d’un agent de poste de transaction des fourrures qui fait venir, par le fleuve, une vache, la première vache de ce territoire, dont il espère, bien sûr, qu’elle lui fournira du lait en abondance. Or, le voilà rapidement déçu, la vache ne produisant pas grand-chose. Enfin, c’est ce que le propriétaire croit car, la vérité, c’est que deux individus ont conçu un juteux stratagème : traire l’animal de nuit et fabriquer, avec lait et farine, des beignets qu’ils vendent le jour et qui, bien sûr, remportent aussitôt un grand succès.

Les deux petits malins qui ont imaginé ce commerce lucratif sont au centre du dispositif narratif conçu par la cinéaste : l’un est un cuisinier mutique nommé Figowitz et surnommé Cookie (John Magaro), l’autre un Chinois du nom de King Lu (Orion Lee) en fuite, car poursuivi par des trappeurs russes qui veulent lui faire la peau. Tous deux ont beau se comporter en escrocs et en voleurs, leur amitié force le respect et apparaît comme un élément de noblesse dans le film.

Une sorte de suspense se met alors en place. On se doute que le stratagème imaginé par les deux complices finira, tôt ou tard, par être dévoilé. Kelly Reichardt, cependant, ne connaît pas la précipitation. Ce qui permet de laisser place à de multiples personnages, entre autres des Amérindiens, mais aussi, par exemple, un Anglais qui, goûtant un des beignets concoctés par Cookie, croit y retrouver des saveurs de Londres, avant d’évoquer les « couleurs de Paris ».

Tourné en un format presque carré, le film abonde en scènes nocturnes, parfois si peu éclairées qu’on ne distingue plus grand-chose. C’est la limite de ce procédé. Mais le regard singulier que porte la cinéaste sur les premiers colons de l’Oregon vaut d’être remarqué : sous une allure de film pittoresque, ce sont les prémisses d’une société et de ses rouages économiques qui sont proposées sous forme narrative. 

7,5/10

 

                                                                                     Luc Schweitzer, ss.cc.

Tag(s) : #Films, #Western
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :