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MEMORIA

Un film de Apichatpong Weerasethakul.

 

 

Six ans après le somptueux Cemetery of Splendour et ses inoubliables soldats figés dans une étrange maladie du sommeil, voici le retour attendu d’Apichatpong Weerasethakul, retour marqué par deux innovations dans sa carrière. Pour la première fois, en effet, le réalisateur est allé tourner sur un autre continent que le sien et dans un autre pays que sa Thaïlande natale, la Colombie. Et, pour la première fois également, il a fait appel à des actrices professionnelles, Jeanne Balibar et surtout Tilda Swinton. Cela étant précisé, on peut aussitôt ajouter que ceux qui ont vu les films précédents de ce cinéaste ne seront pas dépaysés : en Amérique comme en Asie, le cinéaste reste fidèle à un style contemplatif, à ses plans qui prennent leur temps, ainsi qu’à son imaginaire très orienté vers le mystère. Ceux qui n’aiment que les films d’action qui se déroulent à toute allure peuvent passer leur tour.

De l’action, il n’y en a quasiment pas dans Memoria. De plus, c’est un film dont la bande sonore compte autant, sinon plus, que les images. Certes, cette œuvre abonde en plans superbes, mais tout le propos du film se concentre sur une affaire sonore. En effet, Tilda Swinton y joue Jessica, une botaniste venue visiter sa sœur hospitalisée en Colombie et qui, subitement, se met à entendre, elle seule, un bruit parasite qui ressemble à un « bang ». Et, comme elle perçoit ce son à plusieurs reprises, de manière obsédante, elle se met en quête de son origine. D’où cela provient-il ? Est-ce son imagination qui lui joue des tours ? Est-elle sensible à des sons que personne d’autre ne saisit ? A-t-elle basculé dans un monde mystérieux et onirique ?

N’attendons pas de réponses précises de la part d’un cinéaste aussi futé et aussi respectueux des spectateurs que Apichatpong Weerasethakul. Pas question, pour un réalisateur de cette envergure, de nous laisser paresseusement consommer des images explicatives. Bien sûr, les plans fixes et les acteurs plus ou moins statiques risquent d’endormir quelques spectateurs, tandis que d’autres se feront un plaisir d’accompagner Jessica dans sa recherche. C’est une sorte de long poème qu’a conçu le cinéaste, comme s’il posait son regard et, surtout, se mettait à l’écoute des bruits mystérieux de la Terre, provenant à la fois de sa mémoire et de son devenir. Pas de grand coup de théâtre dans le déroulement d’un film qui se plaît à détailler des rencontres, en particulier avec une sorte de médium qui suggère à Jessica qu’elle est semblable à une antenne aux capacités exceptionnelles, pas de grand coup de théâtre si ce n’est une scène étonnante tournée dans la jungle dont, bien sûr, il ne faut pas révéler la teneur dans cet article, scène qui non seulement se garde d’être explicative mais rajoute une couche supplémentaire au mystère qui imprègne tout le film.

8/10

 

                                                                                     Luc Schweitzer, ss.cc.

 

Tag(s) : #Films
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