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PICCOLO CORPO

Un film de Laura Samani.

 

C’est une Italie ancestrale qui est ici évoquée, l’Italie d’il y a un peu plus d’un siècle, celle qu’avaient filmée des cinéastes comme les Frères Taviani ou encore Ermanno Olmi (dans L’Arbre aux Sabots, sorti en 1978). Dans cette Italie-là, on croit encore dur comme fer aux enseignements du catéchisme de l’Eglise catholique tels que se font un devoir de les asséner les curés. Même ceux qui sont les plus douteux (en tout cas qui nous paraissent tels aujourd’hui), ils s’y tiennent sans dévier d’un iota. Ainsi de ce qu’il advient des enfants mort-nés, que, depuis saint Augustin, l’on voue aux limbes, un endroit qui n’est ni enfer ni purgatoire ni paradis mais dans lequel, c’est sûr, il n’y a pas de félicité. Cette doctrine-là, fort heureusement, a été abandonnée par l’Eglise depuis 2007, mais en Italie, au début du XXème siècle, les curés n’en démordaient pas.

Ainsi celui à qui Agata (Celeste Cescutti), une jeune femme qui vient d’accoucher d’une fillette mort-née, veut poser des questions. Ironie, la jeune femme s’adresse au prêtre à la fin d’une célébration de funérailles d’adulte où il a su trouver des mots de réconfort pour les personnes en deuil. Mais pour Agata, rien de tel. « Ma fille restera-t-elle longtemps dans les limbes ? », veut savoir la jeune femme. « Toujours ! », répond le curé. « Et pourrai-je la revoir ? », insiste Agata. « Seulement en rêve ! », tranche le curé.

Les paroles d’espérance que le prêtre a été incapable de prononcer, c’est la bonne de ce dernier qui les trouve. Il est question d’un sanctuaire, loin dans le nord, où un miracle a lieu : les enfants mort-nés y retrouvent un souffle de vie éphémère, juste le temps de pouvoir les baptiser. Il n’en faut pas davantage pour Agata. Ce voyage, long, périlleux, elle est décidée à le mener à terme. Elle emmène son enfant dans son petit cercueil de planches, bien décidée à rejoindre ce sanctuaire.

C’est ce chemin, semé d’embûches, que raconte, sobrement mais superbement, le film. Dans des paysages de forêts, de lacs, de montagnes et, même, dans les profondeurs d’une mine creusée dans la roche (et d’où, paraît-il, les femmes qui s’y aventurent ne sortent jamais), Agata, déterminée à aller au bout du périple, avance. Des rencontres, elle en fait quelques-unes, parfois dangereuses, d’autres fois salvatrices (mais à la condition de payer le prix de l’aide apportée, un prix qui peut se révéler inattendu et humiliant). Mais la rencontre déterminante, c’est celle d’un individu qui se fait appeler Lynx (Ondina Quadri), belle personne transgenre qui fait montre d’une solidarité qui s’affirme de plus en plus. Sur le dur chemin qui doit se solder par la fin de la malédiction qui frappe injustement la fillette mort-née, c’est cette étonnante complicité qui fait merveille. La réussite du film doit beaucoup aux deux actrices principales, toutes deux remarquables. 

8/10

 

                                                                                                   Luc Schweitzer, ss.cc.

Tag(s) : #Films
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