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À PLEIN TEMPS

Un film de Éric Gravel.

 

 

Ce film vient, me semble-t-il, combler un manque dans le paysage du cinéma français. Je ne me souviens pas, en effet, d’avoir déjà vu un tel portrait : celui d’une femme seule, mère de deux enfants, habitant dans un coin de banlieue éloigné de Paris, et devant, tous les jours, se rendre dans la capitale pour son travail. Le film ne traite que de ce sujet : le quotidien éreintant de cette femme, se démenant du matin au soir pour mener de front le bien-être de ses enfants, les déplacements entre Paris et sa banlieue, son travail dans un palace de luxe parisien, ses projets de reconversion, sans compter les nombreux appels pour essayer de joindre son ex-mari qui ne répond jamais. En fait, sauf à la fin du film où survient un changement important dans la vie professionnelle de son héroïne, ce long-métrage s’apparente presque à une variation urbaine d’Un jour sans fin, ce film de 1993 dans lequel se répète indéfiniment la même journée. Il y a un peu de cela dans À plein temps qui fait se succéder quelques jours qui se ressemblent tous beaucoup : même course folle pour parvenir à tout faire et, qui plus est, en période de grève des transports.

C’est Laure Calamy, actrice que tous ceux qui ont vu Antoinette dans les Cévennes en 2020 ont sans nul doute fortement appréciée, que l’on retrouve ici dans le rôle de Julie, un rôle bien différent du précédent mais qu’elle assume avec autant de brio. Il faut dire qu’ici, elle est quasiment de tous les plans, au point que l’on ne peut faire autrement que d’être happé par sa performance. Pour elle aussi, ce rôle a dû être exténuant : elle court, elle court et elle court encore pour pouvoir tout faire, lors de nombreuses scènes marquées d’un réalisme qui laisse pantois.

Elle est forte, Julie, comme le sont souvent les femmes seules avec un ou plusieurs enfant(s) pour qui le quotidien est, dans de nombreux cas, extrêmement compliqué à gérer. On la devine parfois au bord de la rupture, prête à faire un burn-out, et pourtant elle trouve assez de ressources pour tenir le coup, pour trouver des solutions à tous les problèmes qui surviennent durant ces journées de galère : faire du stop, demander à pouvoir faire du covoiturage quand les trains ne circulent pas à cause de la grève, louer une camionnette pour pouvoir transporter le trampoline qu’elle a acheté à son garçon pour son anniversaire, dénicher un hôtel miteux un soir où elle est dans l’impossibilité de rentrer chez elle, et parlementer !!! Que de temps passé à parlementer avec les uns et les autres : la nounou qui veut bien accepter encore de garder les enfants mais qui préférerait que ça s’arrête bientôt, l’ex-mari qui tarde à envoyer la pension, la banque qui s’inquiète des difficultés financières de Julie, ses collègues de travail (l’une qu’elle doit former, d’autres à qui elle demande de la remplacer temporairement), sa patronne qui lui fait part de son mécontentement, un rendez-vous d’entretien et des appels téléphoniques dans le but de trouver un nouvel emploi… Tel est le quotidien harassant de Julie, tel est celui de beaucoup de femmes. Ce film leur rend, en quelque sorte, hommage. Ce n’est pas de trop.  

8/10

 

                                                                                     Luc Schweitzer, ss.cc.

Tag(s) : #Films
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