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A CHIARA

Un film de Jonas Carpignano.

 

 

Gioia Taura est une ville de Calabre de 20 000 habitants, située en bord de mer, ville choisie par Jonas Carpignano pour la troisième fois, parce qu’elle représente, pour lui, comme un microcosme de notre époque et de ses dérives. En 2017, dans Mediterranea, le cinéaste la filmait sous l’angle des migrants venus d’Afrique qui s’y trouvaient confrontés aux dures réalités d’une commune déshéritée. Dans A Ciambra, en 2019, le réalisateur s’était focalisé sur des délinquants issus d’une communauté rom installée sur ce territoire. Aujourd’hui, avec A Chiara, c’est une autre réalité, bien connue, présente en Calabre, que Jonas Carpignano met en scène, la tristement célèbre mafia.

Peut-être trouvera-t-on le sujet moins original que ceux qui étaient abordés dans les films précédents ? Et c’est vrai que la mafia a déjà inspiré un nombre important de films. Néanmoins, en adoptant un point de vue particulier, celui d’une adolescente, le cinéaste parvient à éviter, en grande partie, ce qu’on pourrait considérer comme du déjà-vu. Ce point de vue, il lui reste scrupuleusement fidèle, au point que le film abonde en gros plans, manière d’indiquer que l’on reste constamment au plus près du regard de la jeune fille. C’est elle, bien sûr, qui porte le prénom de Chiara et elle est jouée, qui plus est, par une jeune actrice très douée, Swamy Rotolo.

Ce n’est que progressivement que le réalisateur entre dans le vif du sujet. Au début, tout est filmé comme si l’on avait affaire à une famille classique. Seuls quelques légers indices peuvent laisser présager qu’il se trame quelque chose. Chiara profite de la fête d’anniversaire organisée pour les dix-huit ans de sa grande sœur. Tous les membres de la famille, tous les invités, s’amusent. Mais, au moment où Chiara sort de la maison, elle assiste, médusée, à l’explosion de la voiture de son père. Un peu plus tard, elle aperçoit ce dernier s’enfuyant de la demeure.

Pour corser le tout, elle apprend bientôt, par les médias, que son père est en cavale et qu’il est recherché par la police comme trafiquant de drogue. Pour Chiara, c’en est trop : elle n’a, dès lors, plus qu’une obsession, soulever la chape de plomb sous laquelle elle a été soigneusement maintenue, connaître la vérité sur son père, sur son identité, sur ses trafics. La caméra ne la quitte jamais, tandis qu’elle progresse de découverte en découverte, recherchant obstinément son père, alors qu’elle-même se trouve dans le collimateur de la police et des services sociaux. Mais rien n’y fait, pas même la volonté de l’éloigner de son cadre habituel pour la placer en famille d’accueil. Chiara poursuit obstinément son but, elle veut retrouver son père avant qu’il soit arrêté, elle veut lui parler, écouter ses explications.

Grâce à ce dispositif et à cet angle de vue, Jonas Carpignano parvient sans peine à maintenir à vif l’intérêt du spectateur. Il ne s’agit pas de donner en spectacle les turpitudes de la mafia, au contraire, ce qu’on en voit n’a rien d’attrayant, c’est le moins qu’on puisse dire. Mais, en suivant pas à pas la prise de conscience d’une jeune fille qui découvre les sombres réalités qui se cachaient au sein de sa propre famille, le cinéaste réussit une œuvre profonde et émouvante.

8/10

 

                                                                                                   Luc Schweitzer, ss.cc.

Tag(s) : #Films, #Drame
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