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EN CORPS

Un film de Cédric Klapisch.

 

 

Cédric Klapisch aime passionnément la danse et il l’aime tant que ce film qui lui est consacré se hisse sans peine au sommet de sa filmographie. Cette admiration immodérée pour la danse, on la perçoit aussitôt, dès la séquence d’ouverture filmée lors d’une représentation de La Bayadère à l’Opéra de Paris. La caméra virevolte entre coulisses et scène, parmi les danseuses en tutu, dans les subtilités des jeux de lumière, des danseurs costumés, des beautés de la chorégraphie. Se détache de cet ensemble la jeune danseuse étoile, Élise, non seulement à cause de son incomparable grâce mais aussi parce qu’au cours de ce spectacle ont lieu, pour elle, deux coups de théâtre, de ceux dont elle se passerait volontiers : d’une part, elle surprend, dans les coulisses, son petit ami dans les bras d’une autre ballerine ; d’autre part, elle fait une mauvaise chute en cours de représentation et repart sur un brancard. Le verdict est terrible : à cause d’une grave déchirure et, peut-être, d’une opération à venir, elle risque de ne plus pouvoir danser pendant deux ans ! Même si son kiné essaie de la rassurer en minimisant l’avis du médecin, le coup est terrible.

Que faire si, pendant tout ce temps, elle ne peut plus exercer sa passion ? Plutôt que de ruminer sa tristesse, elle accepte de suivre une amie et son compagnon jusqu’à une maison d’accueil pour artistes en Bretagne. Elle aura pour tâche d’aider à faire la cuisine. Enfin, c’est ce qui est prévu au départ, car voici qu’arrive en ce lieu une troupe de danse contemporaine, celle de Hofesh Shechter, un chorégraphe israélien. Et, bien sûr, pour Élise, la présence d’une troupe de danse intervient comme un chemin de reconstruction ainsi qu’une ouverture vers la nouveauté. Elle, qui n’avait exercé que la danse classique, découvre avec intérêt, sinon avec ravissement, un tout autre mode d’expression pour le corps. Dans la danse classique, comme elle l’explique plus tard, il s’agit de s’élever, de se soustraire, autant qu’il est possible, à la pesanteur terrestre. Au contraire, dans la danse contemporaine, il ne s’agit que de jouer avec le poids du corps et son assujettissement à la terre. Quant aux personnages, ils n’ont pas du tout les mêmes fonctions dans l’une et l’autre facettes de la danse : les ballets classiques vouent tous les grands personnages féminins à une forme de sacrifice, ce qui n’est nullement le cas en danse contemporaine !

On remarquera, d’ailleurs, que le film est tout imprégné d’une approche féministe de bon aloi. Mais sa force provient, outre des subtilités d’une mise en scène toujours inventive, de la multitude d’actrices et d’acteurs très impliqués dans leurs rôles. À commencer par Marion Barbeau, première danseuse à l’Opéra de Paris, à qui Cédric Klapisch a eu le bon goût de confier le premier rôle, un rôle qu’elle assume avec un naturel confondant. Rien à reprocher non plus aux vieux routiers que sont Denis Podalydès, un père qui n’a jamais songé à dire « je t’aime » à sa fille, et Muriel Robin, maîtresse de maison finaude qui sait qu’il faut parfois tomber de son piédestal pour mieux repartir ensuite. Mehdi Baki et Léo Walk, danseurs de hip hop, tout comme Pio Marmaï et Souheila Yacoub et tous les autres intervenants du film font merveille. Quant à Cédric Klapisch, il excelle à filmer, avec une même habileté, les scènes qui comptent et celles qui paraissent (faussement) inessentielles. Ainsi quand la troupe de danse en balade en bord de mer se met à évoluer à la fois avec et contre un vent tempétueux. Une scène comme celle-là, qui, en apparence, n’apporte rien d’indispensable au film, s’avère néanmoins comme un des éléments qui lui donnent sa force et sa beauté. Tout le reste est à l’avenant, avec un final en apothéose.  

8/10

 

                                                                                                   Luc Schweitzer, ss.cc.

 

Tag(s) : #Films, #Comédie dramatique
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