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RIFKIN’S FESTIVAL

Un film de Woody Allen.

 

 

Même si, du fait des accusations qui ont été portées à son encontre par son ex-femme Mia Farrow, l’auteur de Manhattan (1979) et de tant d’autres chefs d’œuvre reste dorénavant plus ou moins boycotté aux États-Unis, il n’en parvient pas moins, et c’est une bonne nouvelle, à tourner de nouveaux films ailleurs que dans son pays. Non sans difficultés cependant puisque Rifkin’s Festival, qui a été tourné en Espagne durant l’été 2019, ne sort sur nos écrans qu’en ce mois de juillet 2022.

Reste à souhaiter que le public français sera au rendez-vous, en dépit du grand nombre des critiques de chez nous qui se sont fendus de leurs articles peu enthousiastes. Certes, il est facile de reprocher à Woody Allen de recycler, en quelque sorte, de film en film, la même recette. Il en est même qui prétendent que, pour le coup, cela vire au radotage. Cependant, si l’on y réfléchit tant soit peu, ils sont nombreux, les artistes à qui l’on pourrait faire le même genre de reproche. Woody Allen, comme beaucoup de créateurs de talent, reste fidèle à un style plutôt qu’à une recette et, chaque fois, c’est un plaisir que d’en bénéficier en tant que spectateur.

Nous voici transporté en Espagne, au moment où a lieu le festival de cinéma de Saint-Sébastien. L’alter ego de Woody Allen se nomme Mort Rifkin et il est joué par l’excellent acteur Wallace Shawn. Critique et professeur de cinéma, il accompagne sa femme Sue (Gina Gershon), une attachée de presse qui compte bien 20 ans de moins que lui. Or la voilà qui y retrouve, avec un plaisir affiché, un réalisateur français de renom, prénommé Philippe (Louis Garrel), sorte de jeune coq prétentieux qui ne jure que par les grands cinéastes classiques d’Hollywood : John Ford, Howard Hawks ou Frank Capra.

Mort ne tarde pas à soupçonner l’évidente attirance de sa femme pour le Français de n’être pas strictement professionnelle. Cependant, de son côté, lui aussi en vient à être attiré par une séduisante jeune femme, le docteur Jo Rojas (Elena Anaya), une cardiologue qu’il est venu consulter pour une douleur dans la poitrine. Rien que de bénin, si ce n’est que, du point de vue de la séduction, quelque chose opère aussitôt. D’autant plus que la jeune et belle cardiologue, en couple avec un peintre fantasque et infidèle (Sergi Lopez), est elle-même habitée par le doute. Tous deux en viennent donc, tout naturellement, à passer du temps ensemble dans la jolie petite ville du Pays basque. C’est, pour Mort, comme une parenthèse enchantée, la grâce d’une complicité dont il faut bien profiter avant qu’elle ne s’en aille. Et cela passe vite.

À ce scénario, somme toute peu original, s’insère l’aspect le plus inventif et le plus séduisant du film, bien plus que la simple cerise sur le gâteau. Autant Philippe, le cinéaste français, ne tarissait pas d’éloges sur le cinéma classique américain, autant le critique qu’est Mort se réfère, quant à lui, presque exclusivement, aux grands films européens. Or, la bonne idée de Woody Allen, c’est de s’être amusé, tout au long de Rifkin’s Festival, à revisiter à sa manière, avec l’humour teinté d’effroi qui le caractérise, quelques-uns des chefs d’œuvre de ce cinéma. Hormis Citizen Kane (1941) et La Splendeur des Amberson (1942) d’Orson Welles, c’est à un festival de films européens auquel on a droit et quels films ! : Huit et Demi (1963) de Federico Fellini, Jules et Jim (1962) de François Truffaut, Un Homme et une Femme (1966) de Claude Lelouch, Persona (1966) et Le Septième Sceau  (1957) d’Ingmar Bergman, L’Ange Exterminateur (1962) de Luis Buñuel et À bout de souffle (1960) de Jean-Luc Godard. En recomposant des scènes mythiques de ces films à sa manière, Woody Allen n’a pas de prétention autre que d’y glisser malicieusement son alter ego Mort, ainsi que d’autres protagonistes de l’histoire.

Si Mort est une sorte de double de Woody Allen, cela ne veut pas dire que le personnage est la copie conforme du réalisateur. D’ailleurs, sa femme se moque volontiers des prétentions de Mort qui s’est mis en tête d’écrire un roman, mais pas un roman à deux sous, non, un chef d’œuvre ou rien. Concrètement, cela signifie que, chaque fois que Mort écrit une page, c’est pour la déchirer en menus morceaux l’instant d’après. Rien de tel avec Woody Allen : je ne le crois pas vaniteux, ce qui ne l’a pas empêché de réaliser plus d’un film mémorable et quand, comme c’est le cas avec Rifkin’s Festival, il propose un film un peu moins remarquable, c’est bien, quoi qu’il en soit, pour qu’il soit projeté sur nos écrans. Pour notre bonheur de spectateur. 

7,5/10

 

                                                                                     Luc Schweitzer, ss.cc.

Tag(s) : #Films, #Comédie
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