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NOSTALGIA

Un film de Mario Martone.

 

 

Mario Martone aime sa ville de Naples et il sait aussi la faire aimer. Dans son nouveau film, Nostalgia, il en explore un quartier, celui de la Sanità, sous toutes ses coutures, pourrait-on dire, dans des déambulations dans ses ruelles, des virées à motocyclette, des plans d’ensemble, une visite dans les catacombes, etc. Cette exploration se justifie d’autant plus que Felice (Pierfrancesco Favino), le personnage principal du film, se présente comme un ex-Napolitain qui est de retour dans sa ville après 40 ans d’absence. 40 ans qu’il a passés, en grande partie, au Caire où il s’est établi et s’est marié et même, comme le fait comprendre une scène furtive où il fait ses ablutions, converti à l’Islam. Avec sa femme, restée en Egypte, il communique par écrans de téléphones interposés et lui explique, entre autres, qu’après tout ce temps Naples n’a pas changé.  

Si Felice est de retour dans sa ville natale, c’est pour aider sa mère, une femme âgée dont la santé s’est dégradée. Felice se sent coupable de l’avoir délaissée pendant tant d’années et, pour réparer un peu ses torts, maintenant qu’il est là, il se dévoue sans compter pour elle. Cela donne lieu à des scènes fortes et émouvantes, peu vues au cinéma, où, par exemple, le fils fait prendre un bain à sa mère qui a trop négligé, ces temps-ci, son hygiène. Felice l’accompagne, la soigne, fait tout pour elle, jusqu’à son décès.

Or, après les obsèques, plutôt que de retourner en Egypte, Felice envisage de rester à Naples et d’y faire venir sa femme. En retrouvant cette ville, après 40 ans d’absence, il a compris combien il en avait la nostalgie. Et puis, s’il est resté si longtemps loin de Naples, c’était par la force des choses, parce qu’il avait été forcé de s’en éloigner. En effet, lorsqu’il n’avait que 15 ans, il s’était rendu complice d’un assassinat avec un camarade du nom d’Oreste Spasiano et avait dû fuir. Or, cet homme-là, cet Oreste Spasiano (Tommaso Ragno), lui, non seulement n’a pas quitté Naples mais il est devenu l’un des chefs de la Camorra, un homme que l’on surnomme Malommo, un homme surtout dont tout le monde a peur.

En renouant avec la ville de son enfance, Felice replonge dans ses contrastes d’ombres et de lumières. Il rencontre des personnes qu’il avait connues autrefois mais, surtout, il est décidé à revoir son ami d’enfance devenu chef de mafia, malgré les obstacles et les mises en garde. Il veut pouvoir s’expliquer avec Oreste, quels que soient les risques encourus. Dans sa quête, qui est quête de vérité et s’oriente, petit à petit, vers un chemin de rédemption, il rencontre un homme singulier, un prêtre, le curé de ce quartier de Naples, la Sanità, Don Luigi (Francesco Di Leva), personnage inspiré au réalisateur par Don Antonio Loffredo, le véritable curé de ce lieu qui, depuis des années, a entrepris de lutter contre la Camorra à sa manière, en s’efforçant d’arracher les jeunes à ses griffes par le sport et la culture. C’est également ce que fait le prêtre du film, que le cinéaste montre, une première fois, célébrant un office à l’extérieur de son église (malgré l’interdiction du préfet) pour protester contre l’assassinat d’un jeune par la Camorra, puis que l’on voit avec des groupes de jeunes s’entraînant à divers sports et, à la fin du film, avec un orchestre composé uniquement de jeunes musiciens du quartier. C’est ce prêtre que Felice, bien que converti à l’Islam, rencontre à plusieurs reprises, pour des entretiens qui ressemblent, parfois, à de véritables confessions (il ne manque que l’absolution) ! Don Luigi sait mieux que personne à quel danger s’expose Felice en voulant rencontrer celui que tout le monde appelle Malomma et il le supplie de ne pas rester à Naples. Néanmoins, Felice s’entête, au point qu’il en devient énigmatique. Lui qui semble si épris de sa femme restée au Caire, pourquoi s’obstine-t-il à vouloir parler à un homme aussi maléfique qu’Oreste ? Le cinéaste se garde de fournir une quelconque explication qui paraîtrait trop simpliste. Disons qu’il semble y avoir, aux yeux de Felice, une recherche de vérité qui est plus importante encore que la survie à tout prix. Mais la force de ce film, c’est aussi de préserver la part de mystère des personnages, à commencer par Felice.   

8,5/10

 

                                                                                     Luc Schweitzer, ss.cc.

Tag(s) : #Films, #Drame
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