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RADIO METRONOM

Un film de Alexandru Belc.

 

 

Le cinéaste roumain Alexandru Belc, qui n’était encore connu que pour ses documentaires, signe là son premier film de fiction, film présenté à la sélection « Un certain regard » du festival de Cannes où il a obtenu un Prix de la mise en scène.

Né en 1980, le cinéaste se risque, dans ce film, à évoquer une période de l’histoire de son pays qu’il n’a pas connue. Nous voilà, en effet, revenu à l’année 1972, précisément à un tournant de la présidence de Nicolae Ceausescu : alors qu’on avait cru qu’il pourrait incarner un léger espoir de liberté dans le camp de l’Est, au contraire l’homme commençait de sombrer dans la paranoïa en instaurant, entre autres, un système de surveillance généralisée dans le pays.

C’est dans ce contexte de morosité qu’une jeune élève de terminale prénommée Ana se décide à rejoindre des camarades de son âge, garçons et filles, contre le refus de sa mère, afin de participer à une fête clandestine, organisée dans l’appartement d’une des filles du groupe. Ana espère y retrouver son petit ami, peut-être pour la dernière fois, car celui-ci semble résolu à s’exiler bientôt à l’Ouest avec sa famille (on se demande à quel prix, dans la Roumanie verrouillée de Ceausescu…). Toujours est-il que, dans l’appartement où a lieu la fête, les jeunes gens s’en donnent à cœur joie, buvant, dansant, flirtant, tout en écoutant les musiques « décadentes » de l’Occident diffusées dans « Metronom »,  l’émission phare de Radio Free Europe (radio évidemment interdite par le régime en place). Les jeunes gens ont même pris le risque de rédiger une lettre qu’ils veulent faire passer à l’Ouest.

Le film se scinde en deux parties. D’abord la fête à laquelle se livrent les jeunes, fête néanmoins tempérée par les inquiétudes d’Ana, mais où le réalisateur excelle à souligner les désirs d’émancipation de la jeunesse roumaine de cette époque. Puis le basculement dans la peur, après l’intervention des forces de la Securitate qui ont emmené tout le monde au commissariat. Tous sont alors sommés de rédiger leur « confession », sans omettre de dénoncer les meneurs de l’opération. Seule Ana se refuse à s’exécuter.

On ne peut pas trop en dire sur la suite du film, en particulier sur l’attitude, parfois étonnante, d’Ana, remarquablement jouée par la jeune actrice débutante Mara Bugarin. Toujours est-il que le réalisateur parvient avec justesse à recréer le climat anxiogène du commissariat, des interrogatoires, du chantage odieusement exercé par le responsable de la Securitate, tout comme à donner au personnage d’Ana, à sa résistance contre l’oppression, mais aussi à ses ambiguïtés, une image qui ne s’oublie pas, dans ce pays et sous un régime prêt à tout pour mettre la jeunesse au pas. 

7,5/10

 

                                                                                     Luc Schweitzer, ss.cc.

Tag(s) : #Films
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