Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

THE QUIET GIRL

Un film de Colm Bairéad.

 

« Pour les Irlandais, explique, dans une interview à Télérama, Colm Bairéad, réalisateur de documentaires qui signe là sa première fiction, The Quiet Girl est comme un album de famille. Ils reconnaissent ces personnages, la manière dont leur habitation est meublée comme leur façon d’être, leurs silences, leurs réticences émotionnelles. Les Irlandais sont souvent présentés comme des gens très expansifs, mais la réalité est très différente. Chez nous, beaucoup de choses ne sont pas dites, mon film reflète cela. »

Cette authenticité, à vrai dire, il n’est pas nécessaire d’être Irlandais pour la ressentir très fortement, d’un bout à l’autre de ce film bouleversant. Adapté des Trois Lumières, une nouvelle de la romancière Claire Keegan, son action se déroule en 1981, dans une Irlande encore très marquée par la religion catholique, alors qu’elle est aujourd’hui essentiellement laïque. C’est dans ce contexte que nous est conté l’été de Caít (Catherine Clinch), une petite fille qui semble, au départ, très effacée, presque toujours silencieuse et en retrait. Il faut préciser qu’il s’agit d’une enfant mal aimée, considérée comme un fardeau par ses parents, y compris par sa mère qui est enceinte.

Or voilà qu’une occasion de se débarrasser d’elle pendant l’été, jusqu’après l’accouchement de la mère, se présente pour les parents qui n’hésitent pas une seconde à profiter de l’aubaine : confier la fillette aux Kinsella, Sean (Andrew Bennett) et Eibhlin (Carrie Crowley), des cousins éloignés exploitant une ferme dans le sud-est du pays. Pour la petite fille de huit ans, c’est la découverte d’un nouvel univers, bien éloigné de celui auquel elle est habituée. Souffre-douleur à l’école, délaissée par ses parents, il lui faut du temps pour se laisser, en quelque sorte, apprivoiser par le couple qui l’accueille. Avec Eibhlin, pleine d’attentions pour elle, c’est assez facile. Mais avec Sean, d’apparence plus bourru que son épouse, ce n’est pas aussi simple. Et pourtant, au fil du temps, quand Sean se décide à prendre avec lui la fillette pour l’aider aux travaux de la ferme, les rapports évoluent, les regards changent et l’enfant se trouve, d’une certaine manière, un père de substitution.

Tout en prenant grand soin de ne jamais verser dans l’émotion facile, le réalisateur se plaît à filmer longuement les multiples aspects de la vie à la ferme. Quelques parenthèses (visite de voisins joueurs de cartes, sortie en ville pour acheter des vêtements à Caít) rompent opportunément l’apparente monotonie du film. En vérité, on ne s’ennuie pas une seconde avec ces gens-là, d’autant plus que le scénario réserve une surprise de taille, la grande blessure secrète de Sean et Eibhlin, révélée à Caít par une femme très bavarde. Pour la fillette aux grands yeux purs, cette révélation occasionne un rapprochement encore plus grand, plus fort, avec le couple qui l’accueille. Pour elle surtout, il y a désormais, dans la grisaille de ce qu’a été jusqu’alors sa vie, comme une lumière qui brille, à l’exemple de celle qu’elle a aperçu, sur l’horizon de la mer, un soir où, accompagnée de Sean, s’en revenant à la maison, elle s’était retournée pour la voir, là-bas, au milieu de deux autres qui brillaient déjà auparavant. 

8/10

 

                                                                                     Luc Schweitzer

Tag(s) : #Films, #Mélodrame
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :