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BALLADES DES BELLES REBELLES

Un double album de poèmes dits ou chantés (et mis en musique) par Chantal Grimm.

 

 

Moins connue certes que sa consoeur en chansons, malheureusement décédée, Anne Sylvestre, Chantal Grimm, tout comme cette dernière, s’est davantage fait connaître pour ses spectacles musicaux et ses contes pour jeune public que pour ses chansons pour adultes. On lui doit pourtant, dans ce domaine, des albums d’une remarquable qualité avec, entre autres, ceux qu’elle a consacrés aux poétesses du Moyen-Âge et de la Renaissance.

Dire et chanter ces poèmes-là, comme elle le fait sur ce double album, qui est la reprise revue et augmentée d’un album déjà sorti précédemment dans l’excellente collection « Poètes & Chansons » des éditions EPM, cela non seulement n’a rien de banal mais c’est même une sorte d’acte militant ou, en tout cas, cela traduit la volonté de donner à des femmes du temps jadis la place qui leur revient.

En poésie, comme dans les autres arts (j’ai déjà eu l’occasion de le souligner à propos des compositrices), les femmes, qui n’ont certes pas moins de talent que les hommes, ont pourtant systématiquement été mises au second plan, si ce n’est carrément ignorées. Pendant ma scolarité, si mes souvenirs sont bons, mon professeur de français de seconde parlait à sa classe de poètes du Moyen-Âge comme Rutebeuf ou François Villon, puis de poètes de la Renaissance comme Joachim du Bellay ou Pierre de Ronsard, mais il ne daignait pas dire un mot des poétesses.

Je ne les découvris que plus tard, par mes propres moyens, parce que, dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, j’étais curieux et ne me contentais pas de l’enseignement des professeurs. Ainsi appris-je les noms de Christine de Pisan, Marguerite de Navarre, Louise Labé, Pernette du Guillet et d’autres encore. Leurs œuvres ne me parurent pas moins abouties que celles de leurs homologues masculins.

En voici donc un florilège, judicieusement constitué, dit ou chanté par Chantal Grimm dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle a su trouver le ton juste pour en transmettre les beautés. Pas seulement les beautés, d’ailleurs, mais aussi les audaces. Car ces poétesses du Moyen-Âge et de la Renaissance adoptaient, le plus souvent, une liberté de ton des plus réjouissantes, abordant sans détours les sujets les plus intimes. Ainsi Madeleine de l’Aubespine qui se confie en ces termes : « Pour le plus doux ébat que je puisse choisir / Souvent, après dîner, craignant qu’il ne m’ennuie / Je prends le manche en main, je le touche et manie / Tant qu’il soit en état de me donner plaisir ». Ou ce poème de Christine de Pisan si admirablement interprété par Chantal Grimm : « Seulette suis et seulette veux être / Seulette m’a mon doux ami laissée / Seulette suis sans compagnon ni maître / Seulette suis, dolente et courroucée ». Si quelques mots, quelques expressions, quelques tournures de phrases ont vieilli, point de crainte à avoir, il n’est jamais difficile d’en comprendre la signification. Et puis, je gage que toutes celles et tous ceux qui écouteront les poèmes chantées les garderont en mémoire, tant les mélodies s’accordent bien aux textes, tant les arrangements sont de qualité, tant la voix de Chantal Grimm les épouse à merveille. Ce double album est un régal.   

9/10

 

                                                                                     Luc Schweitzer, ss.cc.

 

 

Tag(s) : #Poésies, #Chansons, #Musiques
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