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CARNET DE POÈMES

Un album de chansons de Michèle Bernard.

 

C’était en 1978 et je me souviens fort bien de la joie que m’avait procurée l’un des premiers vinyls (son deuxième, je crois) de Michèle Bernard. Il avait pour titre Le kiosque et, curieux comme je l’étais (et le suis toujours), je l’avais acheté sans rien savoir de l’artiste. Le moins que je puisse dire, c’est que je n’avais pas éprouvé de regret quant à cet achat. La voix, les textes, les musiciens, l’accordéon que jouait la chanteuse elle-même, tout m’avait ravi et, bien évidemment, je passais et repassais le vinyl sans me lasser.

Depuis ce temps-là, les années se sont succédées, avec la sortie d’autres albums de Michèle Bernard (pour les adultes, pour les enfants) et le bonheur renouvelé à chaque découverte, à chacune des écoutes et, aussi, ce devait être au début des années 2000, à l’occasion d’un concert. Michèle Bernard chantait ses propres textes mais aussi, régulièrement, des poèmes écrits par d’autres auteurs. La chanteuse aime la poésie, elle aime la mettre en musique, la partager, et son enthousiasme est communicatif.

Or, précisément, l’album qui sort aujourd’hui rassemble une jolie sélection de poèmes chantées qui étaient jusqu’ici dispersés sur plusieurs albums et s’enrichit de 6 titres inédits. On perçoit mieux encore peut-être, de ce fait, combien l’artiste fait preuve de vrais dons pour trouver des mélodies et des arrangements qui conviennent à ces divers poèmes. Les poèmes, lorsqu’ils sont écrits par des auteurs de talent, sont, par essence pourrait-on dire, musicaux, mais encore faut-il être capable de percevoir la musique des vers et d’en donner une interprétation convaincante. Avec Michèle Bernard, c’est toujours le cas.

Pourtant, la sélection de poèmes ici rassemblée est assez éclectique. Poèmes légers, joyeux, graves, douloureux, amoureux, militants… Il y a de tout mais, chaque fois, une interprétation qui fait mouche. Quatre noms se détachent : Louise Michel (1830-1905) à qui Michèle Bernard a d’ailleurs consacré tout un spectacle et dont on ne connaît pas suffisamment ni tous les engagements ni tous les écrits ; René-Guy Cadou (1920-1951), poète ô combien talentueux que d’autres artistes de la chanson, touchés par la qualité des textes, que ce soit du point de vue de l’émotion comme de celui de l’intelligence, ont mis à l’honneur de leur répertoire (Môrice Bénin, Gilles Servat, Martine Caplanne, entre autres) ; Jacques Réda (né en 1929 à Lunéville) ; et Sabine Sicaud (1913-1928), poétesse décédée d’une ostéomyélite à l’âge de quinze ans et qui, malgré son jeune âge, a composé des poèmes bouleversants (que l’on peut lire sur le site qui lui est consacré) : « Ah ! Laissez-moi crier, crier, crier… / Crier à m’arracher la gorge ! », écrivait-elle en exprimant toute la douleur de son corps souffrant.

D’autres poèmes sont beaucoup plus légers, bien sûr. On se régalera de l’humour dont fit preuve Robert Desnos pour évoquer « La famille Dupanard de Vitry-sur-Seine » ou bien de la tendre et fausse naïveté avec laquelle Francis Jammes faisait part de son affection pour les ânes (« J’aime l’âne ») ou encore d’une belle interprétation d’une chanson de Brassens (« Saturne ») qui, bien sûr, lui aussi, même s’il avait tendance à se dévaloriser, fut un poète digne de ce nom.

Avec Michèle Bernard, le voyage en poésie est exaltant, profond et agréable à la fois. Pour ce qui me concerne, je ne m’en lasse pas.

8,5/10

 

 

                                                                                     Luc Schweitzer

Tag(s) : #Chansons, #Musiques, #Poésies
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