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MIETTES

Un album de 19 chansons de Michèle Bernard.

 

 

C’est l’un des événements de la rentrée, en l’occurrence d’une rentrée en chansons, que la sortie d’un nouvel album de Michèle Bernard, sept ans après l’enthousiasmant Tout’manières. Entre temps, la chanteuse, autrice-compositrice-interprète, n’est pas restée à ne rien faire. Il y a eu des enregistrements en public, le superbe Carnet de poèmes en 2020, ainsi qu’une intégrale sortie également en 2020, intégrale qu’il faudra désormais compléter avec Miettes.

Michèle Bernard ne lésine pas, elle est généreuse et ce n’est pas moins que 19 chansons nouvelles qui sont rassemblées sur le nouvel album, un album qui résonne tout entier des bruits d’un monde livré à sa propre folie, à ses pulsions de mort. Ce monde-là, Michèle Bernard non seulement s’en méfie, mais elle le rejette. Elle le dit d’emblée, dès la première chanson (J’veux pas d’puces), en scandant « Non, non, non, non », pas question d’accepter d’avoir sous la peau une puce comprenant toutes ses données identitaires. Quitte à avoir des puces, elle préfère celle de son chien, qu’on se le dise !

Et cela continue, puisque les deuxième et troisième chansons de l’album sont consacrées aux bruits de guerre. La guerre a toujours été présente, Michèle Bernard le sait bien, mais voilà qu’elle se rapproche de nous et que « le monde a changé de douleur ». « Le monde est si noir, ma page est si blanche », chante-t-elle ensuite dans Nuit de neige avant d’évoquer les migrants, ceux de Syrie, d’Erythrée, de Lybie, de Guinée, noyés « au fond de la Méditerranée » (Où irez-vous ?).

Cet album est-il donc uniformément très sombre, si ce n’est déprimant ?, se demandera-t-on peut-être. Disons plutôt qu’il est lucide et qu’avec Michèle Bernard on a affaire à quelqu’un qui ne détourne pas les yeux des malheurs du monde, de la folie qui semble emporter les hommes vers leur perte. Cela étant, la chanteuse n’est pas totalement obnubilée par les réalités les plus ténébreuses. D’autres chansons ont une autre tonalité, plus apaisée, plus contemplative, plus heureuse. Ainsi quand Michèle Bernard confie son émerveillement d’avoir découvert « quatre petites chouettes » dans un grenier à foin ou quand elle se souvient d’un repas d’anniversaire, un été où l’on a « bu du vin et on a chanté ».

En fin de compte, à sa manière, Michèle Bernard plaide pour l’écologie, pour la sobriété heureuse. La chanson En champ les chèvres est une sorte d’apologie qui va dans ce sens. Et si l’on était capable, se demande-t-elle, d’observer ne serait-ce qu’une minute de silence « sur toute la terre à la même heure », une minute « suspendue au-dessus de la haine » (Une minute de silence)…

De l’énergie, malgré ce monde qui va mal, Michèle Bernard en a toujours à revendre. Ses engagements, elle les porte avec enthousiasme, par exemple quand elle se réfère, une fois de plus, aux « communardes ». Avec ses musiciens (Pascal Berne aux basse et contrebasse, Nicolas Frache aux guitares et Daniel Venitucci à l’accordéon – cet instrument qui s’accorde si bien à sa voix -), avec quelques interventions chorales du groupe Evasion, Michèle Bernard donne, sans conteste, une nouvelle et merveilleuse preuve de son immense talent.  

8,5/10

 

                                                                                     Luc Schweitzer

Tag(s) : #Chansons, #Musiques
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