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LUCIOLE

Un album de chansons de I Muvrini.

 

Il n’est pas nécessaire, je le suppose, de vanter longuement les qualités artistiques et, en particulier, vocales du groupe corse I Muvrini. Beaucoup de mes lecteurs, j’imagine, ont déjà eu l’occasion d’écouter l’une ou l’autre de leurs compositions et de les apprécier. Certains ont même peut-être eu l’occasion d’assister à un de leurs concerts et je ne doute pas qu’ils en gardent un grand souvenir. C’est en 1979 que le groupe I Muvrini publiait son premier album et celui qui vient de sortir arrive en 20ème position. Beaucoup de chemin a été parcouru et les frères Bernardini, leaders du groupe, après avoir été les porte-paroles des revendications nationalistes corses (toujours sous l’égide de convictions résolument non-violentes), se sont, depuis, largement ouverts aux autres traditions et aux autres cultures, privilégiant la rencontre, l’accueil, le dialogue, l’harmonie des peuples, l’universalité.

Le nouvel album, superbe, ayant pour titre « Luciole », se reçoit comme une invitation à guetter tous les points de lumière qui brillent encore, çà et là, dans les ténèbres de ce monde. Les chanteurs d’I Muvrini n’ont de cesse de mettre en avant ce qui est lumière et chacune des chansons de l’album trouve sa place en cette perspective. De plus en plus, au fil de leurs créations, les membres d’I Muvrini, spécialement Jean-François Bernardini qui écrit les textes, choisissent de chanter aussi bien du français que du corse, plusieurs chansons mêlant assez habilement les deux langues. Quant à ce qui est écrit et chanté en corse, on peut le comprendre d’autant plus facilement que tout est traduit dans la pochette de l’album.

Venons-en aux lucioles, à chacun des points de lumière, que nous propose le groupe aujourd’hui. Chaque chanson est magnifiquement peaufinée, pas une n’est négligeable. Mais il en est qui sont habitées d’une force et d’une beauté particulières parce qu’elles rejoignent nos préoccupations, notre actualité, et parce qu’elles mettent en avant le respect d’autrui, parce qu’elles ont l’ambition de chanter l’espoir et la paix là où l’un et l’autre sont en danger d’anéantissement. La rencontre et les échanges entre les cultures et les traditions se concrétisent dans des bien des chansons, avec, à chaque fois, le souci renouvelé non seulement du respect mais de l’estime pour les différences. Dans « Culomba negra », se fait entendre le dialogue entre les voix corses et celles du Gospel, « musiques d’insurrection dans leur force spirituelle ». La chanson « Ses enfants sur l’eau » a trouvé son origine, quant à elle, du côté d’une poétesse somalienne (Warsan Shire) « qui a dû fuir son pays en pleine guerre civile ». « L’amore di a to vita » s’inspire d’une photo montrant « une infirmière palestinienne allaitant un bébé palestinien pour le sauver ». Deux chansons se réfèrent au drame vécu par les Syriens : « Alep » qui est dédiée « à Ghiath Matar, le Gandhi syrien, à tous les résistants non-violents de Daraya, au peuple syrien » ; et « Janna », chanson écrite peu après les attentats du 22 mars 2016 à Bruxelles, à l’occasion d’un concert qui rassemblait I Muvrini et une chorale de réfugiés syriens.

Mais il est deux chansons qui sont peut-être les deux plus beaux points de lumière de ce nouvel album, les deux lucioles qui brillent d’un éclat tout particulier. L’une fait référence, elle aussi, aux attentats nombreux, trop nombreux, qui ont ensanglanté l’Europe depuis plusieurs mois. La chanson a pour titre « Ma sœur musulmane » et elle s’élève contre les intégristes, les « esprits égarés », qui pervertissent jusqu’aux paroles des prières. « Allahou-akbar », « Dieu est plus grand » : la prière de paix a été dénaturée pour en faire « un cri de guerre et de massacre ». La chanson d’I Muvrini, magnifique, se rebelle contre cette insupportable altération et elle est dédiée à « ma sœur musulmane, et pour toi : ma sœur juive, athée, chrétienne… ». Car, bien sûr, les perversions de sens ne sont pas l’apanage des musulmans ! Enfin, pour couronner le tout, lumière la plus belle qui soit, la chanson intitulée « Madre » est un hymne à Marie, Mère universelle. Comment mieux rassembler la beauté de l’album d’I Muvrini, comment mieux signifier l’appel à la paix qui s’y fait entendre qu’en confiant tout à « Marie, océan de tendresse » ?  

9/10

 

                                                                       Luc Schweitzer, ss.cc.

Tag(s) : #Chansons, #Musiques
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